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seigneur se mit dans le chemin vis-à-vis Balaam qui était sur son ânesse. L’ânesse, voyant l’ange qui avait un glaive à la main, se détourna du chemin. Et comme Balaam la frappait et la voulait faire retourner, l’ange se mit dans un chemin étroit entre deux murailles qui entouraient des vignes ; et l’ânesse, voyant l’ange, se serra contre le mur, et froissa le pied de son cavalier, qui continuait à la battre. L’ange se mit dans ce lieu étroit, où l’ânesse ne pouvait tourner ni à droite ni à gauche. L’ânesse s’abattit sous Balaam ; et Balaam en colere la frappa encore plus fort avec un bâton. Le seigneur ouvrit la bouche de l’ânesse ; et elle dit à Balaam : que t’ais-je fait ? Pourquoi m’as-tu frappée trois fois ? Balaam lui répondit : c’est parce que tu l’as mérité, et que tu t’es moquée de moi ; que n’ai-je une épée pour t’en frapper ! L’ânesse lui dit : ne suis-je pas ta bête, que tu as coutume de monter jusqu’à aujourd’hui : dis moi, si je t’ai jamais rien fait. Jamais, dit Balaam. Aussi-tôt Dieu ouvrit les yeux à Balaam ; et il vit l’ange qui avait tiré son sabre, et l’adora, se prosternant en terre. L’ange lui dit :.

    reçue que les bêtes avaient de l’intelligence, et qu’elles parlaient. Le serpent avait déjà parlé dans le jardin d’éden ; et Dieu-même avait parlé au serpent. Don Calmet dit sur cet article ces propres mots. " si le démon a pu autrefois faire parler des animaux, des arbres, des fleuves ; pourquoi le seigneur ne pouvait-il pas faire la même chose ? Cela est-il plus difficile que de voir l’âne de Bacchus qui lui parle, le bélier de Phryxus, le cheval d’Achille, un agneau en égypte sous le regne de Bocchoris, l’éléphant du roi Porus ? Des bœufs en Sicile et en Italie n’ont-ils pas autrefois parlé, si on en croit les historiens ? Les arbres-mêmes ont proféré des paroles ; comme le chêne de Dodone, qui rendait, dit-on, des oracles, et l’orme qui salua Appollonius De Thyane. On dit même que le fleuve Caucase salua Pythagore. Nous ne voudrions pas garantir tous ces événements ; mais qui oseroit les rejetter tous, lorsqu’ils sont rapportés dans un très grand nombre d’historiens très graves et très judicieux ? " la remarque de Don Calmet est très singuliere. Mais on ne sait ce que c’est que ce fleuve Caucase qui salua Pythagore. On ne connaît que le mont Caucase, et point de riviere de ce nom. Stanley, qui a recueilli tout ce que les historiens et les philosophes ont dit de Pythagore, ne parle point d’une riviere appellée Caucase ; et nul géographe n’a cité cette riviere. Mais Diogene De Laërce, Jamblique et Ellen, disent que ce fut la riviere Cosan qui salua Pythagore à haute et intelligible voix. Porphire et Jamblique disent, que Pythagore ayant vu auprès de Tarente un bœuf qui mangeoit des feves, il l’exhorta à s’abstenir de cette nourriture. Le bœuf répondit qu’il ne pouvait manger d’herbe. Mais enfin Pythagore le persuada ; et il retrouva son bœuf plusieurs années après dans le temple de Junon, qui mangeait tout ce qu’on lui présentait, excepté des feves. Il eut aussi un entretien avec une aigle qui volait sur la tête aux jeux olympiques ; mais on ne nous a pas rendu compte de cette conversation. Au reste, il est visible que Dieu préféra l’ânesse à Balaam, puisqu’il dit qu’il auroit tué le prophete, et laissé l’ânesse en vie.