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Prenez chacun vos encensoirs, mettez-y de l’encens, présentez à Dieu vos deux cents cinquante encensoirs ; et qu’Aaron tienne aussi son encensoir. Ce que Coré et sa troupe ayant fait en présence de Mosé et d’Aaron la gloire du seigneur apparut à tous. Et le seigneur parla à Mosé et à Aaron, et leur dit : séparez-vous de leur assemblée, afin que je les détruise tout-à-coup. Mosé s’étant levé, s’avança vers Dathan et Abiran, suivi des anciens d’Israël. Il dit au peuple : retirez-vous des tentes de ces impies… vous allez reconnaître que c’est Dieu qui m’a envoyé pour faire tout ce que vous voyez ; si ces hommes meurent d’une mort ordinaire, et de quelque plaie dont les autres hommes sont frappés, Dieu ne m’a pas envoyé ; mais si le seigneur fait une chose nouvelle, si la terre s’entr’ouvrant les engloutit et tout ce qui leur appartient, et

    avec plus de fureur que n’en ont jamais déployé les anti-papes. Les freres alors tuaient leurs freres pour parvenir au souverain pontificat, et il n’y eut jamais plus de trouble chez les juifs que quand ils furent gouvernés par leurs pontifes avant et après les conquêtes d’Alexandre. On suppose donc, qu’alors quelque juif, pour rendre le sacerdoce plus vénérable, écrivit cette histoire, qui ne tient point au reste du pentateuque, et l’inséra dans le canon. Nous croyons que c’est une conjecture hazardée. D’autres la rejettent absolument, comme incompatible avec l’éloge qu’on donne à Mosé dans le pentateuque d’avoir été le plus doux des hommes. Il n’est pas surprenant, disent-ils, que Coré, arriere-petit-fils du patriarche Lévi, Dathan, Abiran et Hon descendants de Ruben, fussent mécontents de la supériorité que Mosé affectait sur eux ; puisqu’Aaron son frere et Marie sa sœur avaient montré les mêmes sentimens. Les deux cents cinquante juifs qui étaient de leur parti étaient les premiers de la nation ; c’étoit un schisme dans toutes les formes. Ces savants prétendent que le terme de synagogue, dont l’auteur sacré se sert ici, prouve que ce livre fut fait dans le temps de la synagogue, et non pas dans le désert où il n’y avait point de synagogue. Ils disent que ce mot a échappé au faussaire qui a mis cet ouvrage sous le nom de Mosé lui-même, et qui s’est trahi par cette inadvertence. Ils croient voir tant de cruautés et tant de prodiges dans cette avanture, qu’ils la regardent comme une fiction ; ils ne parlent qu’avec horreur de quatorze mille sept cents hommes mourants par le feu du ciel, et de deux cents cinquante chefs du peuple engloutis dans la terre. Toland et Wolston ont la hardiesse de traiter ce châtiment divin de roman diabolique. Quelques commentateurs ont cru, en lisant le mot infernum qui est dans la vulgate pour la fosse, qu’il signifiait l’enfer, tel que nous l’admettons, et que les juifs ne connaissaient pas. Ces mots descenderunt viventes in infernum , signifient qu’ils descendirent vivants dans le souterrain ; c’est ce que nous avons déjà remarqué. Cette équivoque, qui n’est que dans la vulgate, a occasionné bien des méprises. Les commentateurs ont pris souvent infernum la fosse, la sépulture, pour l’enfer ; et Lucifer, l’étoile du matin, pour le diable. Cette histoire a révolté plusieurs juifs, au point qu’un d’eux écrivit l’origine de la querelle entre Mosé et ses adversaires, pour la rendre odieuse et ridicule. C’est le seul ouvrage de plaisanterie qui nous soit venu des anciens juifs. On ne