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ACTE II. SCÈNE I.

Trembler toujours d’avoir une faiblesse,
Y succomber, ou combattre sans cesse ;
Tromper sou maître, ou vivre sans espoir
Dans les langueurs d’un importun devoir ;
Gémir, sécher dans sa douleur profonde ;
Un tel hymen est l’enl’er de ce monde,

MARTHE.

En vérité, les filles, comme on dit,
Ont un démon qui leur forme l’esprit :
Que de lumière en une Ame si neuve !
La plus experte et la plus line veuve,
Qui sagement se console à Paris
D’avoir porté le deuil de trois maris,
N’en eût pas dit sur ce point davantage.
Mais vos dégoûts sur ce beau mariage
Auraient besoin d’un éclaircissement.
L’hymen déplaît avec le président ;
Vous plairait-il avec monsieur son frère ?
Débrouillez-moi, de grâce, ce mystère :
L’aîné fait-il bien du tort au cadet ?
Haïssez-vous ? aimez-vous ? parlez net.

LISE.

Je n’en sais rien ; je ne puis et je n’ose
De mes dégoûts bien démêler la cause.
Comment chercher la triste vérité
Au fond d’un cœur, hélas ! trop agité ?
Il faut au moins, pour se mirer dans l’onde.
Laisser calmer la tempête qui gronde.
Et que l’orage et les vents en repos
Ne rident plus la surface des eaux.

MARTHE.

Comparaison n’est pas raison, madame :
On lit très-bien dans le fond de son âme.
On y voit clair ; et si les passions
Portent en nous tant d’agitations.
Fille de bien sait toujours dans sa tête
D’où vient le vent qui cause la tempête.
On sait…

LISE.

Et moi, je ne veux rien savoir ;
Mon œil se ferme, et je ne veux rien voir :
Je ne veux point chercher si j’aime encore