Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/444

Cette page n’a pas encore été corrigée
Alzire.

Non, qu’une affreuse mort tous trois nous réunisse.

Alvarès.

Mon fils mourant, mon fils, ô comble de douleur !

Zamore à Gusman.

Tu veux donc jusqu’au bout consommer ta fureur ?
Viens, vois couler mon sang, puisque tu vis encore,
Viens apprendre à mourir en regardant Zamore.

Gusman à Zamore.

Il est d’autres vertus que je veux t’enseigner :
Je dois un autre exemple et je viens le donner.

à Alvarès,

Le ciel qui veut ma mort et qui l’a suspendue,
Mon père, en ce moment m’amène à votre vue.
Mon âme fugitive, et prête à me quitter,
S’arrête devant vous ;… mais pour vous imiter.
Je meurs, le voile tombe, un nouveau jour m’éclaire ;
Je ne me suis connu qu’au bout de ma carrière.
J’ai fait jusqu’au moment qui me plonge au cercueil,
Gémir l’humanité du poids de mon orgueil.
Le ciel venge la terre, il est juste ; et ma vie
Ne peut payer le sang, dont ma main s’est rougie.
Le bonheur m’aveugla, la mort m’a détrompé :
Je pardonne à la main par qui Dieu m’a frappé.
J’étais maître en ces lieux ; seul j’y commande encore.
Seul je puis faire grâce, et la fais à Zamore.
Vis, superbe ennemi, sois libre, et te souviens,
Quel fut et le devoir, et la mort d’un chrétien.

À Montèze qui se jette à ses pieds,

Montèze, américains, qui fûtes mes victimes,
Songez que ma clémence a surpassé mes crimes.
Instruisez l’Amérique, apprenez à ses rois
Que les chrétiens sont nés pour leur donner des lois.

À Zamore.

Des dieux que nous servons, connais la différence :
Les tiens t’ont commandé le meurtre et la vengeance,
Et le mien, quand ton bras vient de m’assassiner,
M’ordonne de te plaindre, et de te pardonner.