Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/442

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cette loi que naguère un saint zèle a dictée
Du ciel en ta faveur y semble être apportée.
Le dieu qui nous apprit lui-même à pardonner,
De son ombre à nos yeux saura t’environner :
Tu vas des espagnols arrêter la colère,
Ton sang sacré pour eux est le sang de leur frère :
Les traits de la vengeance en leurs mains suspendus
Sur Alzire et sur toi ne se tourneront plus ;
Je réponds de sa vie ainsi que de la tienne,
Zamore, c’est de toi, qu’il faut que je l’obtienne.
Ne sois point inflexible à cette faible voix,
Je te devrai la vie une seconde fois.
Cruel, pour me payer du sang dont tu me prives,
Un père infortuné demande que tu vives.
Rends-toi chrétien comme elle, accorde-moi ce prix
De ses jours, et des tiens, et du sang de mon fils.

Zamore à Alzire.

Alzire jusques là chéririons-nous la vie ?
La rachèterions-nous par mon ignominie ?
Quitterai-je mes dieux pour le dieu de Gusman ?
Et toi plus que ton fils seras-tu mon tyran ?
Tu veux qu’Alzire meure ou que je vive en traître.
Ah ! Lorsque de tes jours je me suis vu le maître,
Si j’avais mis ta vie à cet indigne prix,
Parle, aurais-tu quitté les dieux de ton pays ?

Alvarès.

J’aurais fait ce qu’ici tu me vois faire encore,
J’aurais prié ce dieu, seul être que j’adore,
De n’abandonner pas un cœur tel que le tien,
Tout aveuglé qu’il est, digne d’être chrétien.

Zamore.

Dieux ! Quel genre inouï de trouble et de supplice,
Entre quels attentats faut-il que je choisisse !

À Alzire,

Il s’agit de tes jours, il s’agit de mes dieux.
Toi, qui m’oses aimer oses juger entre eux,
Je m’en remets à toi, mon cœur se flatte encore
Que tu ne voudras point la honte de Zamore.

Alzire.

Écoute. Tu sais trop qu’un père infortuné
Disposa de ce cœur que je t’avais donné,