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Il vit pour achever le malheur de Zamore,
Il mourra tout couvert de ce sang que j’adore ;
Nous périrons ensemble à ses yeux expirants,
Il va goûter encore le plaisir des tyrans.
Alvarès doit ici prononcer de sa bouche
L’abominable arrêt de ce conseil farouche.
C’est moi qui t’ai perdue, et tu péris pour moi.

Alzire.

Va, je ne me plains plus, je mourrai près de toi.
Tu m’aimes, c’est assez, bénis ma destinée,
Bénis le coup affreux qui rompt mon hyménée ;
Songe que ce moment où je vais chez les morts
Est le seul où mon cœur peut t’aimer sans remords.
Libre par mon supplice, à moi-même rendue,
Je dispose à la fin d’une foi qui t’est due.
L’appareil de la mort élevé pour nous deux,
Est l’autel où mon cœur te rend ses premiers feux :
C’est-là que j’expierai le crime involontaire
De l’infidélité que j’avais pu te faire.
Ma plus grande amertume en ce funeste sort,
C’est d’entendre Alvarès prononcer notre mort.

Zamore.

Ah ! Le voici, les pleurs inondent son visage.

Alzire.

Qui de nous trois, ô ciel, a reçu plus d’outrage,
Et que d’infortunés le sort assemble ici !



Scène 5



Alzire, Zamore, Alvarès, gardes.



Zamore.

J’attends la mort de toi, le ciel le veut ainsi,
Tu dois me prononcer l’arrêt qu’on vient de rendre,
Parle sans te troubler comme je vais t’entendre ;
Et fais livrer sans crainte aux supplices tout prêts
L’assassin de ton fils, et l’ami d’Alvarès.
Mais que t’a fait Alzire ? Et quelle barbarie
Te force à lui ravir une innocente vie ?
Les espagnols enfin t’ont donné leur fureur,
Une injuste vengeance entre-t-elle en ton cœur ?