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Tu frémis. Tu ressens le courroux qui m’enflamme.
L’horreur de cette injure a passé dans ton âme.
Un dieu sans doute, un dieu, qui préside à l’amour,
Dans le sein du trépas me conserva le jour.
Tu n’as point démenti ce grand dieu qui me guide ;
Tu n’ès point devenue espagnole et perfide.
On dit que ce Gusman respire dans ces lieux,
Je venais t’arracher à ce monstre odieux.
Tu m’aimes : vengeons-nous ; livre-moi ma victime.

Alzire.

Oui, tu dois te venger, tu dois punir le crime,
Frappe.

Zamore.

Que me dis-tu ? Quoi, tes vœux ! Quoi, ta foi !

Alzire.

Frappe, je suis indigne, et du jour, et de toi.
Ah Montèze ! Ah, cruel ! Mon cœur n’a pu te croire.

Alzire.

A-t-il osé t’apprendre une action si noire ?
Sais-tu pour quel époux j’ai pu t’abandonner ?

Zamore.

Non, mais parle : aujourd’hui rien ne peut m’étonner.

Alzire.

Eh bien ! Vois donc l’abîme où le sort nous engage :
Vois le comble du crime, ainsi que de l’outrage.

Zamore.

Alzire !

Alzire.

Ce Gusman…

Zamore.

Grand dieu !

Alzire.

Ton assassin,
Vient en ce même instant de recevoir ma main.

Zamore.

Lui !

Alzire.

Mon père, Alvarès, ont trompé ma jeunesse.
Ils ont à cet hymen entraîné ma faiblesse.
Ta criminelle amante, aux autels des chrétiens,
Vient, presque sous tes yeux, de former ces liens.