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Scène 3



Alzire, Émire, Céphane.



Céphane.

Madame, un des captifs, qui dans cette journée
N’ont du leur liberté qu’à ce grand hyménée,
À vos pieds en secret demande à se jeter.

Alzire.

Ah ! Qu’avec assurance il peut se présenter !
Sur lui, sur ses amis, mon âme est attendrie,
Ils sont chers à mes yeux, j’aime en eux la patrie.
Mais quoi ! Faut-il qu’un seul demande à me parler !

Céphane.

Il a quelques secrets, qu’il veut vous révéler.
C’est ce même guerrier, dont la main tutélaire
De Gusman votre époux sauva, dit-on, le père.

Émire.

Il vous cherchait, madame, et Montèze en ces lieux
Par des ordres secrets le cachait à vos yeux.
Dans un sombre chagrin son âme enveloppée,
Semblait d’un grand dessein profondément frappée.

Céphane.

On lisait sur son front le trouble et les douleurs.
Il vous nommait, madame, et répandait des pleurs :
Et l’on connaît assez par ses plaintes secrètes,
Qu’il ignore, et le rang et l’éclat où vous êtes.

Alzire.

Quel éclat, cher Émire, et quel indigne rang !
Ce héros malheureux, peut être est de mon sang.
De ma famille au moins il a vu la puissance ;
Qui sait, si de sa perte il ne fût pas témoin ?
Il vient pour m’en parler : ah ! Quel funeste soin.
Sa voix redoublera les tourments que j’endure,
Il va percer mon cœur et r’ouvrir ma blessure,
Mais n’importe, qu’il vienne. Un mouvement confus
S’empare malgré moi de mes sens éperdus.
Hélas ! Dans ce palais arrosé de mes larmes,
Je n’ai pas encore eu de moment sans alarmes.