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Scène 5



Gusman, Alzire.



Gusman.

J’ai sujet de me plaindre
Que l’on oppose encore à mes empressements
L’offensante lenteur de ces retardements.
J’ai suspendu ma loi, prête à punir l’audace
De tous ces ennemis dont vous vouliez la grâce.
Ils sont en liberté ; mais j’aurais à rougir,
Si ce faible service eût pu vous attendrir.
J’attendais encore moins de mon pouvoir suprême,
Je voulais vous devoir à ma flamme, à vous même,
Et je ne pensais pas, dans mes vœux satisfaits,
Que ma félicité vous coûtât des regrets.

Alzire.

Que puisse seulement la colère céleste
Ne pas rendre ce jour à tous les deux funeste !
Vous voyez quel effroi me trouble et me confond,
Il parle dans mes yeux, il est peint sur mon front.
Tel est mon caractère, et jamais mon visage
N’a de mon cœur encore démenti le langage.
Qui peut se déguiser pourrait trahir sa foi,
C’est un art de l’Europe, il n’est pas fait pour moi.

Gusman.

Je vois votre franchise et je sais que Zamore
Vit dans votre mémoire et vous est cher encore.
Ce cacique obstiné vaincu dans les combats
S’arme encore contre moi de la nuit du trépas ;
Vivant je l’ai dompté, mort doit-il être à craindre ?
Cessez de m’offenser et cessez de le plaindre ;
Votre devoir, mon nom, mon cœur en sont blessés,
Et ce cœur est jaloux des pleurs que vous versez.

Alzire.

Ayez moins de colère et moins de jalousie,