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380 DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

rluMTluMit toujours riiouinic daus routeur : voilà ceux devant qui j’ai trouvé grâce. C’est à ce petit nombre d’hommes que j’adresse les rédexions suivantes ; j’espère qu’ils les pardonneront à la né- cessité où je suis de les faire.

Un étranger s’étonnait un jour à Paris d’une foule de libelles de toute espèce, et d’un déchaînement cruel, par lequel un homme était opprimé, u 11 faut apparemment, dit-il, que cet homme soit d’une grande ambition, et qu’il cherche à s’élever à (|uel(ju’un de ces postes qui irritent la cupidité humaine et l’en- vie. — Non, lui répondit-on ; c’est un citoyen obscur, retiré, qui vit plus avec Virgile et Locke ([u’avec ses compatriotes, et dont la figure n’est pas plus connue de quelques-uns de ses ennemis que du graveur qui a prétendu graver son portrait. C’est l’auteur de quelques pièces qui vous ont fait verser des larmes, et de quel- ques ouvrages dans lesquels, malgré leurs défauts, vous aimez cet esprit d’humanité, de justice, de liberté, qui y règne. Ceux qui le calomnient, ce sont des hommes pour la plupart plus obscurs que lui, qui prétendent lui disputer un peu de fumée, et qui le per- sécuteront jusqu’à sa mort, uniquement à cause du plaisir qu’il vous a donné. » Cet étranger se sentit quelque indignation pour les persécuteurs, et quelque bienveillance pour le persécuté.

Il est dur, il faut l’avouer, de ne point obtenir de ses contem- porains et de ses compatriotes ce que l’on peut espérer des étran- gers et de la postérité. 11 est bien cruel, bien honteux pour l’esprit humain, que la littérature soitinfectée de ces haines personnelles, de ces cabales, de ces intrigues, qui devraient être le partage des esclaves delà fortune. Que gagnent les auteurs en se déchirant mutuellement ? Ils avilissent une profession qu’il ne tient qu’à eux de rendre respectable. Faut-il que l’art de penser, le plus beau partage des hommes, devienne une source de ridicules, et que les gens d’esprit, rendus souvent par leurs querelles le jouet des sots, soient les bouffons d’un public dont ils devraient être les maîtres ?

A^irgile, Varius, Pollion, Horace, Tibulle, étaient amis ; les mo- numents de leur amitié subsistent, et apprendront à jamais aux hommes ({ue les esprits supérieurs doivent être unis. Si nous n’at- teignons pas à l’excellence de leur génie, ne pouvons-nous pas avoir leurs vertus ? Ces hommes sur qui l’univers avait les yeux, qui avaient à se disputer l’admiration de l’Asie, de l’Afrique et de l’Kurope, s’aimaient pourtant, et vivaient en frères ; et nous, qui sommes renfermés sur un si petit théâtre, nous, dont les noms, à peine connus dans un coin du monde, passeront bientôt comme nos modes, nous nous acharnons les uns contre les autres pour