Je n’ajouterai rien à cette longue épître, touchant la tragédie que j’ai l'honneur de vous dédier. Comment en parler, madame, après avoir parlé de vous ? Tout ce que je puis dire, c’est que je l’ai composée dans votre maison et sous vos yeux. J’ai voulu la rendre moins indigne de vous, en y mettant de la nouveauté, de la vérité, et de la vertu. J’ai essayé de peindre [1] ce sentiment généreux, cette humanité, cette grandeur d’àme qui fait le bien et qui pardonne le mal ; ces sentiments tant recommandés par les sages de l'antiquité, et épurés dans notre religion ; ces vraies lois de la nature, toujours si mal suivies. Vous avez ôté hien des défauts à cet ouvrage, vous connaissez ceux qui le défigurent encore. Puisse le public, d’autant plus sévère qu’il a d’abord été plus indulgent, me pardonner, comme vous, mes fautes !
Puisse au moins cet hommage que je vous rends, madame, périr moins vite que mes autres écrits ! Il serait immortel, s’il était digne de celle à qui je l’adresse.
Je suis, avec un profond respect, etc.
- ↑ Tout cela n’était pas un vain compliment, comme la plupart des épîtres dédicatoires. L’auteur passa en effet vingt ans de sa vie à cultiver, avec cette dame illustre, les belles-lettres et la philosophie ; et tant qu’elle vécut, il refusa constamment de venir auprès d’un souverain qui le demandait, comme on le voit par plusieurs lettres insérées dans cette collection. (K.)