Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/356

Cette page n’a pas encore été corrigée

346 LA iMORT DE CÉSAR.

Eût mis dans la halancc un homme et la patrie ?

CASSILiS.

Brutus, par ce seul mot ton devoir est dicté. C’est l’arrêt du sénat, Rome est en sûreté. Mais, dis, sens-tu ce trouble, et ce secret murmure, Qu’un préjugé vulgaire impute à la nature ? Un seul mot de César a-t-il éteint dans toi L’amour de ton pays, ton devoir et ta foi ? En disant ce secret, ou faux ou véritable. En t’avouant pour fils, en est-il moins coupable ? En es-tu moins Brutus ? en es-tu moins Romain ? >^ous dois-tu moins ta vie, et ton cœur, et ta main ? Toi, son fdsl Rome enfin n’est-elle plus ta mère ? Chacun des conjurés n’est-il donc plus ton frère ? Né dans nos murs sacrés, nourri par Scipion, Élève de Pompée, adopté par Caton, Ami de Cassius, que veux-tu davantage ? Ces titres sont sacrés ; tout autre les outrage. Qu’importe qu’un tyran, esclave de l’amour. Ait séduit Servilie, et fait donné le jour ? Laisse là les erreurs et l’hymen de ta mère ; Caton forma tes mœurs, Caton seul est ton père ; Tu lui dois ta vertu, ton àme est toute à lui ; Brise l’indigne nœud que l’on foffre aujourd’hui ; Qu’à nos serments communs ta fermeté réponde ; Et tu n’as de parents que les vengeurs du monde.

BRUTUS.

Et vous, braves amis, parlez, que pensez-vous ?

CIMBER.

•Jugez de nous par lui, jugez de lui par nous. D’un autre sentiment si nous étions capables, Rome n’aurait point eu des enfants plus coupables. Mais à d’autres qu’à toi pourquoi fen rapporter ? C’est ton cœur, c’est Brutus qu’il te faut consulter.

BRUTUS.

Eh bien ! à vos regards mon âme est dévoilée, Lisez-y les horreurs dont elle est accablée. Je ne vous cèle rien, ce cœur s’est ébranlé ; De mes stoïques yeux des larmes ont coulé. Après l’affroux serment que vous m’avez vu faire, Prêt à servir l’État, mais à tuer mon père ; Pleurant d’être son fils, honteux de ses bienfaits ;