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338 LA MORT DE CESAR.

Ne sert la liberté que par son éloquence :

Hardi dans le sénat, faible dans le danger,

Fait pour haranguer Rome, et non pour la venger,

Laissons ù l’orateur qui charme sa patrie

Le soin de nous louer quand nous l’aurons servie*.

Non, ce n"est qu’avec vous que je veux partager

Cet immortel honneur et ce pressant danger.

Dans une heure au sénat le tyran doit se rendre :

Là, je le punirai ; là, je le veux surprendre ;

Là, je veux que ce fer, enfoncé dans son sein,

Venge Caton, Pompée, et le peuple romain.

C’est hasarder beaucoup. Ses ardents satellites

Partout du Capitole occupent les limites ;

Ce peuple mou, volage, et facile à fléchir,

Ne sait s’il doit encor l’aimer ou le haïr.

Notre mort, mes amis, paraît inévitable ;

Mais qu’une telle mort est noble et désirable !

Qu’il est beau de périr dans des desseins si grands !

De voir couler son sang dans le sang des tyrans !

Qu’avec plaisir alors on voit sa dernière heure !

Mourons, braves amis, pourvu que César meure,

Et que la liberté, qu’oppriment ses forfaits,

Renaisse de sa cendre, et revive à jamais,

CASSIUS.

Ne balançons donc plus, courons au Capitole : C’est là qu’il nous opprime, et qu’il faut qu’on l’immole. Ne craignons rien du peuple, il semble encor douter ; Mais si l’idole tombe, il va la détester.

BRUTUS.

Jurez donc avec moi, jurez sur cette épée, Par le sang de Caton, par celui de Pompée, Par les mânes sacrés de tous ces vrais Romains Qui dans les champs d’Afrique ont fini leurs destins ; Jurez par tous les dieux, vengeurs de la patrie, Que César sous vos coups va terminer sa vie.

CASSIUS.

Faisons plus, mes amis ; jurons d’exterminer

d’esprit l’abandonnait lorsqu’il n’était ni dans le sénat, ni dans la tribune aux harangues. Sa force était dans son éloquence, et il se li\Tait à toute sa faiblesse dans les conjonctuies où l’éloquence devenait inutile. (K.) 1. Ce portrait de Cicéron est célèbre. (G. A.)