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LE CHEVALIER, à Trigaudin.

Tout ceci commence un peu à m’inquiéter. Voici mon frère qui vient épouser Gotton et m’arracher ma fortune.

TRIGAUDIN.

Rentrez donc, et gardez-vous de vous montrer.

(Le baron, Gotton, Trigaudin et le chevalier rentrent dans le château.)
JÉRÔME.

Bon courage, camarades ; mettons nos armes en état, Qu’ils y viennent : par la morgué, tatigué, jarnigué ! je vous les…

MARTIN.

Les voilà ! les voilà !

(Martin, Jérôme et quelques paysans s’enfuient précipitamment dans le château, et s’y renferment.)

Scène VIII.

LE COMTE, arrivant avec ses gens ; LE BARON, à une croisée au-dessus de la porte d’entrée ; les précédents, dans l’intérieur du château.
LE COMTE.

Hé ! mes amis ! n’est-ce pas ici ?… Qu’est-ce que cela signifie ? Voilà une assez plaisante réception ! sur mon honneur ! on nous ferme la porte au nez. Holà ! hé ! qu’on heurte un peu, qu’on sonne un peu ; qu’on sache un peu ce que cela veut dire. Mais, mais, voilà qui est hien singulier, bien étonnant. Je m’attendais que l’on enverrait au-devant de moi, que l’on ferait mettre les habitants sous les armes, que les magistrats du canton viendraient me haranguer ; et au lieu des honneurs qu’on me doit… Ah ! j’aperçois quelqu’un. Est-ce que ce n’est pas ici la maison du sieur baron de la Canardière ?

LE BARON, à sa fenêtre.

Oui, c’est ici mon château, et c’est moi qui suis monsieur le baron. Que lui voulez-vous, monsieur l’aventurier ?

LE COMTE.

Vous devriez un peu vous douter qui je suis. Je m’attendais à être reçu d’autre sorte. Écoutez, bonhomme, je viens ici avec une lettre de M. Trigaudin, pour épouser Mlle de la Canardière ; mais tant que vous me tiendrez ainsi à la porte, il n’y a pas d’apparence que nous puissions conclure cette affaire.