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MERLIN.

C’est bien dit, ventre-saint-gris ! cinq cents arpents de terre de capitainerie sont moins difficiles à garder qu’une fille.

TRIGAUDIN.

Dépêchons-nous, monsieur le baron, le temps presse… Ne voyez-vous rien à travers ces arbres ?

LE CHEVALIER.

N’entendez-vous rien ?

LE BARON.

Il me semble que je vois une chaise de poste et des gens à cheval.

MERLIN.

Tout juste ; nous y voici. C’est sans doute un de nos coquins.

LE CHEVALIER.

Ne craignez rien, mademoiselle.

GOTTON.

Hélas ! qu’est-ce que j’ai à craindre ?

LE CHEVALIER.

Vous avez un père homme de courage, et votre mari aura l’honneur de le seconder.

LE BARON.

Oui, voici une occasion où il faut avoir du cœur. Renfermons-nous dans le château ; fermons toutes les portes. (À ses gens.) Colin, Martin, Jérôme, tirez vos arquebuses par les meurtrières sur les gens qui voudront entrer malgré vous.

JÉRÔME.

Oui, monseigneur.

LE CHEVALIER.

On ne peut pas mieux se préparer. En vérité, monsieur le baron, c’est dommage que vous n’ayez pas été gouverneur de Philipsbourg[1].

LE BARON.

Je ne l’aurais pas rendu en deux jours.

TRIGAUDIN.

Rentrez, monsieur le baron, rentrez ; voici les ennemis qui approchent.

  1. La ville de Philipsbourg avait été prise aux Impériaux par les Français le 18 juillet 1734, après six semaines de siège. La censure autrichienne supprima donc, dans les éditions de 1761 et 1765, ce qui rappelait cet échec, et l’on y lit : « C’est dommage que vous ne commandiez pas dans quelque place frontière. » (B.)