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MADAME MICHELLE.

Allons, mademoiselle, allons.

GOTTON.

Miséricorde ! j’aime cent fois mieux qu’on m’enlève. Papa, si on m’enferme davantage, je me casserai la tête contre les murs.

LE BARON.

Tais-toi, ou tu ne seras mariée de dix ans.

GOTTON.

Ah ! je suis muette.

LE CHEVALIER.

N’y aurait-il point, monsieur, un milieu à prendre dans cette affaire ?

LE BARON.

Oui, c’est de fendre la cervelle au premier qui viendra frapper à la porte du château.

TRIGAUDIN.

Ce parti-là est très-raisonnable, et l’on ne peut rien de plus juste ; mais si vous commenciez par prendre la précaution de marier les deux futurs, cela préviendrait merveilleusement tous les méchants desseins. Les ravisseurs auront beau venir après cela. Mlle Gotton leur dira : Messieurs, vous êtes venus trop tard, la place est prise, je suis mariée. Qu’auront-ils à répondre ? rien : il faudra bien qu’ils s’en retournent très-honteux.

GOTTON.

Oui, mais s’ils me disent : Ça n’y fait rien ; quand vous seriez mariée cent fois davantage nous voulons vous épouser encore. Vous êtes belle, nous vous aimons, et il faut que nous vous enlevions ; qu’est-ce que je leur dirai, moi ?

LE BARON.

Je te tordrai le cou de mes propres mains plutôt que de souffrir qu’on attente à ton honneur ; car, vois-tu, je t’aime assez pour cela.

TRIGAUDIN.

Monsieur le baron, l’avis que je vous donne est bon à suivre pour vous débarrasser de l’inquiétude perpétuelle que vous cause la garde de Mlle Gotton : je vous conseille de signer au plus vite le contrat. Je vous l’ai fait voir tantôt dressé selon vos intentions : vous n’avez plus qu’à y mettre votre nom.

LE BARON.

Très-volontiers : ce sera l’affaire de mon gendre de veiller sur sa femme.