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TRIGAUDIN.

Mlle de la Canardière en sera éblouie.

LE CHEVALIER.

La peste soit du fat ! il ne daigne pas seulement me regarder !

MERLIN.

Eh ! pourquoi vous adressez-vous à lui, à sa personne ? Que ne parlez-vous à sa perruque, à sa broderie, à son équipage ? Flattez sa vanité au lieu de vouloir toucher son cœur.

LE CHEVALIER.

Non, j’aimerais mieux crever que de faire la cour à ses impertinences.

LE COMTE.

Page, levez un peu le miroir, haut, plus haut ; vous êtes fort maladroit, page, foi de seigneur.

LE CHEVALIER.

Mais, mon frère, voudrez-vous bien enfin…

LE COMTE.

Charmé de te voir, mon cher Chonchon, sur mon honneur ; tu reviens donc de la campagne, un peu grêlé à ce que je vois. (Il rit.) Eh ! eh ! eh ! eh ! eh bien ! qu’est devenu ton cousin, qui partit avec toi il y a trois ans ?

LE CHEVALIER.

Je vous ai mandé, il y a un an, qu’il était mort. C’était un très-honnête homme ; et si la fortune…

LE COMTE, toujours à sa toilette.

Ah ! oui, oui, je l’avais oublié ; je m’en souviens, il est mort ; il a bien fait ; cela n’était pas riche. Vous venez peut-être à la noce, monsieur Chonchon ; cela n’est pas maladroit. (À Trigaudin.) Écoutez, monsieur Trigaudin, je prétends aller le plus tard que je pourrai chez Mlle de la Canardière ; j’ai quelques affaires dans le voisinage, la petite marquise n’est qu’à deux cents pas d’ici. Eh ! eh ! eh ! je veux un peu aller la voir avant de tâter du sérieux embarras d’une noce… Mons Trigaudin, qu’on mette un peu mes relais à ma chaise.


Scène IV.

LE COMTE, LE CHEVALIER.
LE CHEVALIER.

Pourrai-je, pendant ce temps-là, avoir l’honneur de vous dire un petit mot ?