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femmes pour faire scier en deux, pour faire déchirer sous des herses de fer, pour brûler à petit feu dans des fours à brique, de braves gens que ses Juifs ont eu le bonheur de prendre prisonniers, tandis qu’il était entre les bras de la tendre Bethsabée[1].

N’y a-t-il rien de recherché, rien d’extraordinaire, messieurs, dans ces inconcevables horreurs ? Vous me direz que l’auteur sacré qui les décrit ne les condamne point, et que par conséquent elles pouvaient avoir un bon motif. Mais remarquez aussi, messieurs, que l’auteur sacré ne les approuve pas ; il nous laisse la liberté d’en dire notre sentiment, liberté si précieuse aux hommes !

Avouez donc que vous fûtes aussi barbares dans les temps de votre politesse que nous l’avons été dans les siècles de notre grossièreté. Nous fûmes longtemps Gog et Magog ; tous les peuples l’ont été.

Et documenta damus qua simus origine nati.

(Ovid., Metam., 1, 415.)

Nos pères furent des sangliers, des ours, jusqu’au xvie siècle ; ensuite ils ont joint des grimaces de singes aux boutoirs de sangliers ; enfin ils sont devenus hommes, et hommes aimables. Vous, messieurs, vous fûtes autrefois les plus détestables et les plus sots loups-cerviers qui aient souillé la face de la terre. Vous vivez tranquilles aujourd’hui dans Rome, dans Livourne, dans Londres, dans Amsterdam. Oublions nos bêtises et nos abominations passées ; mangeons ensemble en frères des perdrix lardées menu : car sans lard elles sont un peu sèches vers le carême.

XIX. — Encore un petit mot de Salomon.

Votre goût pour les dames, monsieur et messieurs, ainsi que pour l’argent comptant, vous ramène toujours à Salomon ; vous y revenez avec tendresse à la fin de vos gros ouvrages. Je trouve, en vous feuilletant, que vous ne vous émerveillez pas assez des vingt-cinq milliards en espèces sonnantes que Montmartel-David laissa à Brunoi-Salomon, grand amateur d’ornements de chapelle[2]. D’un autre côté, vous me paraissez trop étonnés qu’un

  1. Et le supplice de la croix, monsieur le secrétaire juif ; et celui de la lapidation, où chaque citoyen faisait pour sa part l’office de bourreau ; où les infortunés qu’on y condamnait étaient exposés à toute la férocité de la populace juive ! Ceci est encore une preuve de barbarie : chez toutes les nations un peu policées, les supplices sont infligés sous une forme régulière par un homme condamné à faire cet horrible métier, et payé par l’État. (K.)
  2. Sur Paris-Marmontel, et sur le marquis de Brunoi son fils, voyez tome XV, page 168, et XXVII, 424.