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barbare, ou ce fils de p… Abimelech, qui, avant de juger le peuple de Dieu, égorgea sur une grande pierre soixante et dix de ses frères, ou ces deux fils de Clovis, Childebert et Clotaire, qui massacrèrent les deux petits-fils de sainte Clotilde. Il semblerait qu’Abimelech fut trente-cinq fois plus abominable que Childebert et Clotaire ; mais on vous répondrait qu’il faut juger un homme par toutes les actions de sa vie, et non par une seule. On vous dirait encore qu’il faut lire dans le cœur, et cette entreprise serait assez niaise.

XIVe NIAISERIE.
la nation française honnie par monsieur le secrétaire.

Monsieur Guenée, secrétaire éloquent des juifs, vous faites un portrait terrible de la cour et de la ville en peignant les mœurs juives du temps de la prospérité de ce peuple. Vous vous complaisez d’abord à décrier notre commerce et notre compagnie des Indes, et à célébrer les grands établissements d’Élath et d’Éziongaber, par lesquels les Juifs, qui n’eurent jamais un vaisseau, faisaient entrer chez eux les immenses trésors d’Ophir et de Tharsis, pays que personne ne connaît. Vous conduisez les richesses de l’univers dans Jérusalem par le port d’Éziongaber, qui en est très-éloigné, et où les Turcs, qui en sont les maîtres, n’ont jamais un vaisseau, parce que ses bas-fonds sont plus impraticables que les lagunes de Venise.

Vous admirez la discrétion de Salomon, qui, ayant hérité quelques milliards de son père, voulait encore acquérir quelques milliards en trafiquant à Ophir, et qui, n’ayant pas une barque à lui en propre, empruntait des vaisseaux et des matelots de son ami Hiram, roi de Tyr, lesquels vaisseaux traversaient toute la mer Méditerranée, côtoyaient l’Afrique, doublaient le cap de Bonne-Espérance pour venir servir la sagesse de Salomon.

Après avoir accumulé dans Jérusalem plus d’or, d’argent, d’ivoire, de parfums, et de singes qu’elle n’en pouvait contenir, vous tombez à bras raccourci sur tous les vices qui naquirent de ces inconcevables richesses. Vous avez d’abord loué les Juifs de n’avoir eu chez eux ni opéra-comique, ni danseurs de corde, ni parades sur les boulevards. Vous les avez admirés de n’avoir point imité les Sophocle et les Euripide, dont ils n’avaient jamais entendu parler. Et tout d’un coup, sortant de cette niaiserie de panégyriques, vous allez prendre chez les prophètes Isaïe, Amos,