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l’auteur se hasarde à dire que la colline des prépuces à Galgal[1], où Josué fit circoncire deux ou trois millions de ses Juifs, était dans un désert auprès de Jéricho. Qu’a de commun mon ami avec ce Galgal ? Il vous certifie que s’il y eut à Galgal une montagne composée de prépuces, comme il y a dans Rome le Monte testacio, composé de pots cassés, il n’y prend pas le plus léger intérêt. Il vous certifie encore qu’il regarde comme des niaiseries tout ce que des typographes se sont empressés d’imprimer, soit en consultant des courtiers de librairie, soit en ne les consultant pas, soit en vendant les pensées d’un homme à eux inconnu, soit en ne les vendant pas. Il vous certifie, pour la vingtième fois, qu’il n’a point fait la plupart des niaiseries, c’est-à-dire des livres, que vous lui imputez ; et je vous jure qu’à son âge et au mien nous ne prenons aucun parti ni pour les nations prépucières, ni pour les nations déprépucées, ni pour les châtrés, ni pour les entiers, ni pour les voisins du cap de Bonne-Espérance, qui mettent une petite boule d’herbes fines à la place d’une des deux petites boules utiles que la nature leur a données.

On prodigue, ce me semble, une bien vaine érudition pour deviner quel homme fut circoncis le premier ; qui prit le premier lavement ; qui porta la première chemise ; qui le premier avala une huître à l’écaille ; qui fut le premier vendeur d’orviétan, etc.

XIIIe NIAISERIE.
quelle fut la nation la plus barbare ?

Vous nous dites, monsieur Guenée, sous le nom de six juifs, que, si les premiers Hébreux étaient fort grossiers et très-ignorants, nos premiers Français l’étaient encore davantage.

Je serais bien embarrassé s’il fallait vous dire qui étaient les plus barbares, ou les Francs du temps de Clovis, ou les Juifs du temps de Josué ; et mon ami serait aussi embarrassé que moi. Tous les peuples ont commencé par être à peu près également cruels, voleurs, méchants, superstitieux, et sots. Ce n’est point ici une niaiserie : c’est une triste vérité ; mais ce serait une niaiserie très-puérile de vouloir savoir précisément quel était le plus

  1. Voltaire, dans son article Circoncision du Dictionnaire philosophique, voyez tome XVIII, page 192, parle de la circoncision des Juifs sous Josué ; mais non de Galgal, appelé Galgala dans Josué, chap. v.