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Saint Hilaire dit dans son commentaire sur saint Matthieu : « Il n’est rien de créé qui ne soit corporel, ni dans le ciel ni sur la terre, ni parmi les visibles, ni parmi les invisibles. Tout est formé d’éléments, et les âmes, soit qu’elles habitent dans un corps, soit qu’elles en sortent, ont toujours une substance corporelle. »

Saint Ambroise, dans son discours sur Abraham, dit : « Nous ne connaissons rien d’immatériel, excepté la vénérable Trinité. »

Mon ami avoue que ces saints étaient tombés dans une erreur alors universelle[1]. Ils étaient hommes, dit-il, mais ils ne se trompèrent pas sur l’immortalité de l’âme, parce qu’elle est évidemment annoncée dans les Évangiles.

Comment expliquerons-nous saint Augustin, qui, dans le livre VIII de la Cité de Dieu, s’exprime ainsi : « Que ceux-là se taisent qui n’ont pas osé à la vérité dire que Dieu est un corps, mais qui ont cru que nos âmes étaient de même nature que lui. Ils n’ont pas été frappés de l’extrême mutabilité de notre âme, qu’il n’est pas permis d’attribuer à la nature de Dieu. »

Mon ami a soutenu[2], d’après tous les véritables savants, que l’auteur du Pentateuque n’a jamais parlé expressément ni de l’immortalité de l’âme, ni des récompenses ni des peines après la mort. Rien n’est plus vrai, rien n’est plus démontré. Tout était temporel, comme le dit si énergiquement le grand Arnauld : « C’est le comble de l’ignorance de mettre en doute cette vérité, qui est des plus communes, et qui est attestée par tous les Pères, que les promesses de l’Ancien Testament n’étaient que temporelles et terrestres, et que les Juifs n’adoraient Dieu que pour les biens charnels, etc. » (Apologie de Port-Royal.) Et c’est en quoi surtout, messieurs les juifs, notre religion l’emporte sur la vôtre, autant que la lumière l’emporte sur les ténèbres. Dès que notre législateur a paru, l’immortalité de l’âme a été constatée, soit qu’on crût l’âme corporelle, soit qu’on la crût d’une autre nature.

Il est certain que les Persans, les Chaldéens, les Babyloniens, les Syriens, les Crétois, les Égyptiens, et surtout les Grecs, admirent avant Homère la permanence des âmes, et que le Pentateuque n’annonce ce dogme en aucun endroit.

Vous vous épuisez en déclamations ; vous faites de vains

  1. Voyez tome XVII, pages 134-135 ; XXV, 81.
  2. Voyez tome XI, pages 75, 177 ; XVII, 343 ; XVIII, 542 ; XXIV, 525 ; XXV, 79 ; XXVI, 206 ; XXVIII, 168.