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Pourquoi, vous et moi, nous mangeons-nous le blanc des yeux pour des aventures si antiques ?

XXXII. — Manger à table la chair des officiers, et boire le sang des princes.

Il est dit dans l’Analyse de la religion juive et chrétienne, attribuée à Saint-Évremond[1], que la promesse faite dans Ézéchiel d’avaler la chair des vaillants, de boire le sang des princes, de manger le cheval et le cavalier à table, regarde évidemment les Juifs ; et que les promesses précédentes sont pour les corbeaux. M. Fréret est de cette opinion ; mais qu’importe ? Je vous cite ici Saint-Évremond, parce qu’on mettait sous son nom mille ouvrages auxquels il n’avait pas la moindre part. Vous en usez ainsi avec mon ami. Laissons là tous ces vilains repas, et vivons ensemble paisiblement. Que je voudrais avoir l’honneur de vous donner à dîner dans ma chaumière avec des philosophes tolérants qui daignent y venir quelquefois ! Nous ne mangerions ni le cheval ni le cavalier ; nous parlerions des sottises anciennes et modernes. Vous nous instruiriez ; vous trouveriez en nous des cœurs ouverts, et des esprits dignes peut-être de vous entendre.

XXXIII. — Tout ce qui sera voué ne sera point racheté, mais mourra de mort.

Vous accusez mon ami d’avoir dit que les sacrifices de sang humain sont établis dans la loi de cet exécrable et détestable peuple. Je ne me souviens point d’avoir lu ces belles épithètes ainsi accolées. Je crois pouvoir assurer que c’est une calomnie, non pas exécrable et détestable, mais une pure calomnie, d’autant plus que vous ne citez ni la page ni le livre. Mais il n’est pas question ici de savoir si un écrivain a injurié et calomnié un autre écrivain à lui inconnu, l’an 1771, dans un ouvrage imprimé en 1776. Il s’agit d’entendre le chapitre xxvii du Lévitique, qui dit[2] : « Ce qui sera voué au Seigneur ne sera point racheté, mais mourra de mort. » Ce texte est assez clair, ce me semble ; il n’y a pas à disputer. Et quand vous dites que ces sacrifices sont défendus ailleurs, que prouvez-vous par ce singulier raisonnement ? Vous prouvez que vous avez trouvé des con-

  1. Voyez la note, tome XVIII, page 261 ; et aussi XXVI, 500.
  2. Verset 28.