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donné de nouvelles instructions, si tous nous aviez appris pourquoi les Égyptiens, si antérieurs à la loi juive, ne mangeaient point de cochon. Vous nous rendriez un nouveau service si vous nous disiez comment les Juifs, qui font tout le commerce de la Vestphalie, pays assez froid, où l’on ne se nourrit que de porc, n’ont pu obtenir quelque dispense de leurs rabbins.

Ne vous est-il pas arrivé la même chose qu’à nos minimes ? Le bon Martorillo (saint François de Paule) leur ordonna de manger tout à l’huile en Calabre, où l’huile est la nourriture des pauvres ; ils suivent par humilité cette loi en Allemagne, où l’huile est un mets recherché, et où un tonneau d’huile coûte plus que quatre tonneaux de vin. Vous nous auriez prouvé qu’il faut que tout moine obéisse à son fondateur. C’est ainsi que les musulmans, à qui Mahomet défendit le vin dans les climats brûlants de l’Arabie, n’en boivent point dans le climat froid de la Crimée.

À l’égard du lièvre dont il ne vous est pas permis de manger, parce qu’il rumine, et qu’il n’a pas le pied divisé[1], quoiqu’en effet il ait le pied très-divisé, et qu’il ne rumine point, ce n’est qu’une petite méprise. M. le pasteur du Bourg-Dieu[2] a dit que ce n’est pas là où gît le lièvre ; si ce n’est pas Bourg-Dieu qui l’a dit, c’est un autre.

XIX. — Peuples dispersés.

Vous dites dans le même endroit que les Juifs sont restés les seuls des anciens peuples, etc., et qu’ils triomphent des siècles ; mais les Arabes, beaucoup plus anciens qu’eux, subsistent en corps de peuple et habitent encore un vaste pays qu’ils ont toujours habité. Les Égyptiens sont en Égypte sous le nom de Cophtes, et n’ont oublié que leur langue. Les Brachmanes, subjugués par ceux qu’on appelle Maures, ont conservé leurs lois, leurs rites, et même la langue de leurs premiers pères. Les Parsis, dispersés comme les Juifs et autrefois dominateurs des Juifs, sont aussi attachés qu’eux à leurs usages antiques, et espèrent toujours, comme eux, une révolution. Les Chinois, tout subjugués qu’ils sont par les Tartares, ont soumis leurs vainqueurs à leurs lois ; on ne peut plus dire aujourd’hui : Græcia

  1. Voyez tome XXIV, page 77 ; XXVIII, 210.
  2. Il a existé, au xviie siècle, un pasteur de la religion réformée nommé Jean-Armand Dubourdieu. (B.)