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Quoi ! monsieur, voilà (par le texte) Moïse lui-même qui, à l’âge de quatre-vingts ans passés, se met à la tête d’une troupe de meurtriers (qu’on se joigne à moi) et qui avec eux égorge de ses mains vingt-trois mille de ses compagnons ! Chacun tue son frère, son ami, son parent ! C’est mon ami, à moi, mon innocent ami, que vous accusez d’être l’ennemi des Juifs ; c’est lui qui pleure sur les infortunés qu’on égorge ; et c’est vous qui vous réjouissez de ce massacre !

« Il faut de la sévérité, dites-vous, quand les prévaricateurs sont nombreux. » Ah ! monsieur, ce n’est pas à vous de le dire. Je ne veux pas vous demander si vous auriez trouvé bon que l’on égorgeât vingt-trois mille convulsionnaires. Je ne veux pas vous outrager comme vous avez insulté mon ami. Quoi ! vous auriez donc applaudi à la Saint-Barthélemy ! Car enfin les soixante et dix mille citoyens qu’on égorgea en France étaient des rebelles à votre religion dominante ; ils étaient plus coupables que vos Israélites, car ils péchaient contre les lois connues, et les Israélites furent moins coupables quand ils s’impatientèrent de ne point recevoir des lois qu’on leur faisait attendre depuis quarante jours. Ô homme, qui que vous soyez, apprenez à pardonner !

Pour moi, monsieur, quand même vous auriez été convulsionnaire, ce que je ne crois pas, je ne pourrais vous vouloir du mal. Quand même vous auriez écrit des lettres de cachet sous le frère Le Tellier, encore aurais-je pour vous de l’indulgence, encore serais-je votre frère, si vous daigniez être le mien.

XI. — De vingt-quatre mille autres Juifs égorgés par leurs frères.

Mais pardonnez encore une fois à mon malheureux ami si, après avoir plaint vingt-trois mille pauvres Juifs mis en pièces sans se défendre, par les propres mains de l’octogénaire ou nonagénaire Moïse et par ses lévites, il a de plus osé étendre sa pitié sur vingt-quatre mille autres descendants de Jacob, assassinés environ quarante ans après, et toujours par leurs frères.

Vous croyez ou faites semblant de croire que ces vingt-quatre mille Juifs moururent de la peste en un jour : je le souhaite. Dieu est le maître de choisir le genre de mort dont il veut que les hommes périssent. Mais voici le texte dans toute sa pureté.

« Et l’Éternel dit à Moïse : Saisis tous les princes du peuple, et pends-les tous à des potences à la face du soleil, etc… Et on en tua ce jour-là vingt-quatre mille. » (Nombres, chap. xxv.)

Pourquoi défigurez-vous entièrement ce passage ? Ce sont les