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génaire, couché déjà peut-être dans le lit de la mort, à la barbarie de quelques persécuteurs qu’il croit animer par ses délations calomnieuses ; et c’est en feignant de le ménager, en lui prodiguant des louanges ironiques, en l’appelant grand homme, qu’il lui porte respectueusement le poignard dans le cœur, Moi, qui prends son parti avec autant de candeur qu’il prit le parti de M, l’abbé Bazin son oncle[1], je conjure ce juif de ne me point combattre avec ses armes empoisonnées ; je fais une guerre honnête. Entrons en matière.



I

Je me range d’abord sous l’étendard de saint Jérôme. J’invoque la lettre que ce grand homme écrivit à Dardanus, du petit village de Bethléem, où il habita si longtemps ; voici comme il parle de la Judée.

LETTRE DE SAINT JÉRÔME.

« Je prie ceux qui prétendent que le peuple juif prit possession de ce pays après la sortie d’Égypte de nous faire voir ce que ce peuple en a possédé. Tout son domaine ne s’étend que depuis Dan jusqu’à Bersabée, c’est-à-dire l’espace de cent soixante milles en longueur (environ cinquante-trois de nos lieues)… J’ai honte d’exprimer la largeur de cette terre de promission ; on ne compte que quarante-six milles (environ dix-sept lieues) depuis Joppé jusqu’à Bethléem ; après quoi on ne trouve plus qu’un affreux désert habité par des barbares…

« Voilà donc, ô Juifs ! l’étendue du pays que vous vous vantez de posséder, et dont vous faites vanité parmi les nations qui ne vous connaissent pas. Allez étaler cet orgueil chimérique aux ignorants ; pour moi, qui vous connais à fond, je ne donne point dans vos panneaux : cherchez vos dupes ailleurs.

« Vous me direz peut-être que, par la terre de promission, on doit entendre celle dont Moïse fait la description dans le livre

    39, 40. Toutes les pièces qui les composent, sauf une seule (le Catéchumène, qui est de Borde), ont été admises dans les éditions des Œuvres de Voltaire faites à Kehl, et dans leurs réimpressions. (B.)

  1. Voyez tome XXVI, page 307, la Défense de mon oncle.