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reçu en librairie de dater de l’année suivante les ouvrages publiés dans les derniers mois de l’année, ce volume porte la date de 1777. En le faisant réimprimer peu après[1], Voltaire l’intitula Un Chrétien contre six Juifs, titre sous lequel il a été reproduit soit séparément, soit dans les Œuvres de Voltaire ; ce qui n’a pas empêché l’auteur de la Notice sur Guenée, en tête de la neuvième édition des Lettres de quelques Juifs, 1817, trois volumes, de dire[2] affirmativement : « Voltaire ne répliqua point. »

B.

AVANT-PROPOS.

Bénissons la foule innombrable des pamphlets anglais dans lesquels une partie de la nation accuse l’autre quatre fois par semaine de trahir la patrie, et qui sont traduits en français pour amuser les curieux.

Bénissons les sonnets dont l’Italie fourmille, soit à l’honneur, soit contre l’honneur des dames.

Bénissons les écrits polémiques des Allemands, dans lesquels on ne cesse d’approfondir des sujets agréables de controverse.

Bénissons surtout les Français, qui, depuis quelque temps, impriment environ cinquante mille volumes par année, tant gros que petits, soit pour édifier le prochain, soit pour le scandaliser, soit pour l’injurier, soit pour l’ennuyer.

Mais pourquoi tant bénir cette énorme quantité d’insectes ? C’est leur multitude que je remercie. Je me cache dans leur foule ; leur grand nombre les fait périr en moins de temps qu’ils ne se forment : je veux vivre deux jours avec eux.

Si ces livres duraient, s’ils ne tombaient tous les uns sur les autres dans un éternel oubli, ils seraient trop dangereux ; on se verrait accusé, vilipendé, condamné jusqu’à la dernière postérité, par quiconque a le loisir et la malignité de faire un livre contre nous. Mais heureusement un ennemi littéraire vous intente un procès par écrit devant le tribunal de l’univers, soit dans une brochure, soit dans cinq ou six tomes. Cela est lu par cinq ou six personnes de l’un ou de l’autre parti ; le reste de la terre l’ignore : sans quoi les accusations graves, les injures mal déguisées sous un air de modération, les calomnies qu’on se permet si souvent dans les disputes, pourraient avoir des suites fâcheuses.

  1. J’ai sous les yeux une édition avec le millésime 1777.
  2. Tome I, page xviii.