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d’eux nous a conté ce qu’il entendait dire, et encore très-difficilement, dans la province où il séjourna peu de temps. Toutes ces provinces ont des idiomes et des catéchismes différents. Supposé que des Indiens fussent assez désœuvrés, assez inquiets, assez déterminés, pour venir en Europe s’informer de nos dogmes et nous instruire des leurs, ils verraient à Pétersbourg l’Église grecque, qui diffère de la romaine ; en Suède, en Danemark, l’Église évangélique ou luthérienne, qui ne ressemble ni à la romaine ni à la grecque ; en Prusse, une autre religion. Il serait bien difficile à ces Indiens de se faire une idée nette de l’origine du christianisme. MM. Hohwell et Dow ont puisé à la source du brachmanisme, et on verra que cette source est celle des croyances qui ont régné le plus anciennement sur notre hémisphère, et même à la Chine, où la métempsycose indienne est encore reçue chez le peuple, quoique méprisée chez les lettrés et dans tous les tribunaux.

Voici le commencement du plus singulier de tous les livres[1].

« Dieu est un, créateur de tout, sphère universelle, sans commencement, sans fin. Dieu gouverne toute la création par une providence générale, résultante de ses éternels desseins… Ne recherche point l’essence et la nature de l’Éternel, qui est un ; ta recherche serait vaine et coupable. C’est assez que, jour par jour et nuit par nuit, tu adores son pouvoir, sa sagesse, et sa bonté, dans ses ouvrages. »

J’avais dit tout à l’heure que le Shastabad était digne de Platon. Je me rétracte, Platon n’est pas digne du Shastabad. Continuons.

« L’Éternel voulut, dans la plénitude du temps, communiquer de son essence et de sa splendeur à des êtres capables de la sentir. Ils n’étaient pas encore[2] ; l’Éternel voulut, et ils furent. Il créa Birma, Vitsnou, et Sib. »

On voit ensuite comment Dieu forma d’autres substances nombreuses, subordonnées à ces trois premières participantes de sa propre nature, et dominatrices avec lui. Ces puissances subordonnées, et d’un ordre inférieur, avaient à leur tête un génie céleste que l’on nomme Moisazor. Tous ces noms expriment

  1. Nous en avons déjà quelques extraits en français dans un abrégé de l’Histoire de l’inde, imprimé avec le procès mémorable du général Lally. (Note de Voltaire.) — Voyez les articles xxii et suivants des Fragments historiques sur l’Inde et sur le général Lally, ci-dessus, pages 167 et suiv.
  2. N’est-ce pas là le vrai sublime ? (Note de Voltaire.) — Voyez la note 3 de la page 172.