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tale de la province de Mangi, province partagée en neuf royaumes. Kinsay est la métropole de cent quarante villes, et la province de Mangi en contient douze cents, etc., etc. »

On avoue que depuis la Jérusalem céleste, qui avait cinq cents lieues de long et de large, dont les murs étaient de rubis et d’émeraude, et les maisons d’or, il ne fut jamais de plus grande et de plus belle ville que Kinsay : c’est dommage qu’elle n’existe pas plus aujourd’hui que la Jérusalem.

Cette étonnante province de Mangi est dans nos jours celle de Ichenguiam, dont parle l’empereur dans son poëme. Il n’y a plus, dit-on, que onze villes du premier ordre, et soixante et dix-sept du second. Les villages et les ponts sont encore en grand nombre dans le pays ; mais on y cherche en vain l’admirable ville de Kinsay. Marc Paul peut l’avoir flattée, et les guerres l’avoir détruite.

Tous ceux qui nous ont donné des relations de la Chine conjecturent que de cette ancienne Babylone aux douze mille ponts, il en reste une petite ville nommée Cho-hing-fou, qui n’a qu’un million d’habitants. On nous persuade qu’elle est percée des plus beaux canaux, plantée de promenades délicieuses, ornée de grands monuments de marbre, couverte de plus de ponts de pierre que Venise, Amsterdam, Batavia, et Surinam, n’en ont de bois : cela doit au moins nous consoler, et mérite que nous fassions le voyage.

Le physique et le moral de ce pays-là, le vrai et le faux, m’inspirent tant de curiosité, tant d’intérêt, que je vais écrire sur-le-champ à M. Paw : j’espère qu’il lèvera tous mes doutes.

LETTRE III.

ADRESSÉE À M. PAUW,
sur l’athéisme de la chine[1].
Monsieur,

J’ai lu vos livres ; je ne doute pas que vous n’ayez été longtemps à la Chine, en Égypte, et au Mexique ; de plus, vous avez beaucoup d’esprit : avec cet avantage on voit et on dit tout ce

  1. Voyez la note, tome XVIII, page 155.