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Le P. Daniel ignorait que, selon Ovide,

Placatur donis Juppiter ipse datis[1].

XCVI. — Il avance qu’on disait qu’un homme avait éventré des femmes grosses, et fait manger l’avoine à ses chevaux dans leur ventre.

Ce trait n’est pas vraisemblable, parce que le cheval renifle sitôt qu’il sent un corps mort, et s’en détourne lorsqu’il en aperçoit un, sans vouloir passer auprès.

XCVII. — Il dit : La conduite de l’empereur ressentait une vengeance de femme. Par quelles expériences connaît-on que les femmes sont plus sujettes à la vengeance que les hommes ?

Parce que tout ce qui est faible est plus cruel, même parmi les animaux. L’aigle et le lion sont moins cruels que le vautour et le loup, etc. Les femmes ont leurs défauts ; les hommes en ont d’autres, dérivés de leur nature et de leur constitution.

XCVIII — Mézerai devait user avec son prochain de l’indulgence dont en a soi-même besoin.

Cela est vrai en morale pour la conduite de la vie ; mais l’histoire doit dire ce qui est.

XCIX. — Anne de Boulen savait trop bien chanter et trop bien danser pour être sage. Comment Mézerai prétend-il qu’une fille de qualité ne puisse être sage si elle danse et chante bien ?

Salluste dit la même chose de Sempronia[2]. Le mot trop, omis par le P. Daniel, est essentiel dans cette réflexion, qu’il rend fort juste.

C. — Il dit que François Ier n’avait appris que bien peu de latin au collège. Est-ce la langue latine qui donne du goût pour les sciences ? Il ne fait pas réflexion que les Grecs étaient savants avant qu’on eût écrit en latin.

Cela est vrai en général : mais Mézerai parle d’un temps où le latin était la seule langue en usage dans les collèges.

CI — Les hommes n’ont-ils pas aussi ces mêmes imperfections que Mézerai nomme les faibles du sexe ?

  1. l’Art d’aimer, l. III, v. 654.
  2. Psallere et saltare élégantius quam necesse est probœ. (Sal., Catil, cap. xxv.)Cette femme licencieuse et hardie est un des principaux personnages de la conjuration de Catilina. (A. F.)