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VI. — Il dit que les Français furent, dans une occasion de guerre, un peu en désordre, parce que leurs chevaux tombaient dans des fossés recouverts de branches et de gazons[1]. Quoiqu’il ne soit pas le seul historien qui ait parlé de cette ruse grossière, il n’est pas vraisemblable qu’elle ait jamais causé de désordre à des gens de guerre.

Cela n’est cependant pas impossible.

VII. — Il dit que les rois des Visigoths, naturellement timides, transférèrent leur siège royal pour s’éloigner de leurs ennemis. Que veut-il dire par naturellement timides ? Était-ce un défaut attaché à la seule race de ces rois ? Et n’était-ce pas prudence qui les faisait agir, et non pas timidité ?

Le P. Daniel n’aime pas qu’on attribue quelque faiblesse aux rois.

VIII. — Clotilde, dit-il, répondit qu’elle aimait mieux les voir morts que tondus (ses petits-fils). Est-il vraisemblable qu’une princesse si humaine et si sage eût fait un choix si barbare ?

Où en serait l’histoire si on s’arrêtait à ces vraisemblances, et qu’on n’admit parmi les actions des hommes que ce qu’ils ont dû faire ?

IX. — Il dit que le prince Théodebert prit quelques châteaux dans la contrée de Béziers, mais qu’il se laissa prendre lui-même à la beauté de Deuterie, dame de Cabrière, qui le reçut dans son château et dans son lit. Quel rapport y a-t-il entre les châteaux pris et un homme touché de la beauté d’une femme ?

C’est une expression un peu poétique, et dont on trouvera bien des exemples. Victorem omnium vici était la devise d’une grande dame de par le monde[2].

X. — Comment peut-on entendre que ce soit la loi naturelle qui exclut les filles de la couronne ? Elle n’est donc la loi naturelle qu’en France, car les autres peuples de l’Europe ne les excluent pas.

La loi salique faisait autant de peine au P. Daniel qu’à Louis XIV.

XI. — Les admirateurs de Mézerai se désabuseront de l’opinion qu’ils ont qu’il ne fait que des narrations bien intelligibles, et ils demeureront d’accord que les mauvaises constructions ne sont pas rares dans ses ouvrages.

Cela est vrai ; mais on entend Mézerai.

  1. Bataille contre les Thuringiens, sous Thierry, en 531.
  2. Mme  de Maintenon.