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Quand des prêtres orientaux, et à leur exemple des prêtres grecs, imaginèrent que chaque planète était un dieu, ou que du moins il y avait un dieu dans elle, cette idée religieuse et magnifique en imposa au genre humain. Une idée plus grande et plus divine commence à détruire aujourd’hui ces prétendus dieux moteurs des planètes. Les vrais sages n’admettent qu’une nature suprême, intelligente et puissante ; un grand Être fabricateur de tous les globes, conduisant leurs marches suivant des règles éternelles de mathématiques, et étant en un mot leur âme universelle.

Si le grand Être est leur âme, pourquoi ne serait-il pas la nôtre ?

Il a donné à la matière toutes ses propriétés ; il a donné à l’aimant l’attraction vers le fer, aux planètes le mouvement orbiculaire d’occident en orient, sans qu’on puisse jamais en découvrir ni la raison ni le moyen. Ne nous-a-t-il pas de même accordé le sentiment et la pensée ?

V[1]Action de Dieu sur l’homme.

Des gens qui ont fait des systèmes sur la communication de Dieu avec l’homme ont dit que Dieu agit immédiatement, physiquement sur l’homme, en certains cas seulement, lorsque Dieu accorde certains dons particuliers ; et ils ont appelé cette action prémotion physique[2]. Dioclès et Érophile, ces deux grands enthousiastes, soutiennent cette opinion et ont des partisans.

Or nous reconnaissons un Dieu tout aussi bien que ces gens-là, parce que nous n’avons pu comprendre qu’aucun des êtres qui nous environnent ait pu se produire de soi-même ; parce que de cela seul que quelque chose existe il faut que l’Être nécessaire existe de toute éternité ; parce que l’Être nécessaire éternel est nécessairement la cause de tout. Nous admettons avec ces raisonneurs la possibilité que Dieu se fasse entendre à quelques favoris ; mais nous faisons plus, nous croyons qu’il se fait entendre à tous les hommes, en tous lieux et en tout temps, puisqu’il donne à tous la vie, le mouvement, la digestion, la pensée, l’instinct.

Y a-t-il dans le plus vil des animaux et dans le philosophe le plus sublime un être qui soit volonté, mouvement, digestion,

  1. Les éditeurs de Kehl avaient reproduit cette section dans le Dictionnaire philosophique au mot Homme. C’était un double emploi qui a été évité ; voyez tome XIX, page 385.
  2. Voyez tome XVII, page 197.