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pour un couvent, à la fille de Jephté[1] à qui son père coupa la tête ; vous comparez Louis XV à Joas, qu’Athalie fit poignarder[2] ; mais jamais le feu roi ne fut poignardé par sa grand’mère, et jamais il ne coupa le cou de sa fille. Il faut que les comparaisons soient justes, même dans une oraison funèbre.

Le cri public vous a obligé de changer l’endroit où vous reprochiez au feu roi d’avoir chassé les jésuites[3]. Vous avez cru adoucir cette satire en imprimant que la société de ces jésuites était une fausse société ; mais cela ne s’entend pas. On sait bien ce que c’est qu’un homme faux, un homme qui parle contre sa conscience ; une pensée fausse, un faux pas, un faux brillant ; on ne sait ce que c’est qu’une société fausse. Le R. P. Malagrida et le R. P. La Valette ont fait de fausses démarches, qui ont entraîné la ruine d’une société très-véritable et autrefois très-dangereuse.

Vous ne deviez pas comparer cette société à Jonas[4], que des idolâtres jetèrent dans la mer[5] pour apaiser une tempête. Les rois de France, d’Espagne, de Naples, de Portugal, le souverain de Rome, ne sont point des idolâtres. Les déclamateurs devraient, dans ce siècle de raison, se garder de toutes ces comparaisons puériles.

Vous dites[6] que « les anciens parlements se sont laissé entraîner par l’impulsion des circonstances au delà de leur premier but ». L’impulsion des bienséances et de votre génie ne devait pas vous entraîner dans de pareilles phrases.

Quelle impulsion étrange vous force à vous déchaîner contre le xviiie siècle de notre ère vulgaire ? « Il était donc réservé, dites-vous[7], au xviiie siècle, d’attaquer à la fois les principes de l’honneur, de la justice, de la vertu, de l’honnêteté naturelle ! » Et vous proclamez le successeur de Louis XV le restaurateur des

  1. Juges, xi, 39. C’est à la page 11 dans l’édition in-4o de l’Oraison funèbre que la princesse Louise est comparée à la fille de Jephté.
  2. IV. Rois, XI, 1. À la page 17 de l’édition in-4o, le cardinal de Fleury est comparé à Joad.
  3. La fin de cet alinéa ne se trouve ni dans l’édition originale, ni dans les éditions de Kehl. Rapporté par Grimm dans sa Correspondance littéraire, août 1774, ce passage a été rétabli en 1817 par M. Miger, dans le tome XIV de l’édition en quarante-deux volumes.

    Je n’ai, du reste, vu nulle part, dans l’édition in-4o de l’Oraison funèbre, l’expression de fausse société. (B.)

  4. Page 31 de l’édition in-4o.
  5. Jonas, i, 15.
  6. Page 32 de l’édition in-4o.
  7. Page 33 de l’édition in-4o.