Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/303

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce goût pour la géographie le conduisit naturellement à quelques connaissances de l’astronomie et à un peu d’histoire naturelle.

Son jugement en toutes choses était juste ; mais cette douce facilité de caractère dont nous avons parlé le porta toujours à préférer l’opinion des autres à la sienne.

C’est par cette condescendance qu’il se résolut à la guerre de 1741, malgré le cardinal de Fleury, qui s’y opposait : car des personnes qui avaient alors plus de crédit sur son esprit que son ministre même l’entraînèrent, lui et ce ministre, dans cette entreprise, qui fut heureuse en Flandre, et malheureuse partout ailleurs. Ainsi Louis XV fit la guerre sans être ambitieux, et donna deux batailles[1] sans être emporté par cette ardeur qui naît de la fougue du tempérament, et que la faiblesse humaine a nommée héroïque.

Son âme était toujours tranquille. Elle le fut même lorsqu’en 1744 il courut, à la tête de son armée, délivrer l’Alsace inondée d’ennemis. Ce fut alors qu’étant tombé malade à Metz, et prêt de mourir, il reçut de ses peuples ce surnom si flatteur de Bien-aimé. Il ne lui fut point donné en cérémonie et par des actes authentiques, comme le surnom de Grand fut décerné à Louis XIV par l’Hôtel de Ville, en 1680. L’enthousiasme des Parisiens cherchait un titre qui exprimât sa tendresse pour son roi. Un homme de la populace cria : Louis le Bien-aimé[2]. Bientôt cinq cent mille voix le répétèrent, tous les calendriers, tous les papiers publics furent ornés de ce nom. L’amour l’avait donné, et l’usage le conserva dans les temps orageux où ces mêmes Parisiens, que l’Europe accuse de légèreté, semblèrent démentir pour quelques jours les témoignages de leur tendresse.

Il mérita cet amour sans doute lorsque, pour tout fruit de ses conquêtes en Flandre, il demandait la paix à la vertueuse Marie-Thérèse. On eût dit qu’il pressentait les obligations que la France aurait un jour à cette souveraine. Il ne pouvait assez acheter le présent inestimable[3] qu’elle nous a fait, et dont nous jouissons aujourd’hui.

Si même la guerre la plus juste est toujours funeste aux nations, celle qu’on faisait à la légitime héritière de tant de Césars n’en pesait que davantage au cœur de Louis XV. Il voyait qu’elle

  1. Celle de Fontenoy et celle de Laufelt.
  2. Voyez la note, tome XXIII, page 268.
  3. Marie-Antoinette d’Autriche, fille de Marie-Thérèse, mariée, en 1770, au dauphin, devenu roi sous le nom de Louis XVI.