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FRAGMENT

Je n’ai plus en partage
Que badinage ;
Et touche au dernier âge
Sans rien prévoir.

On les avait insérés dans une édition de Mme Guyon, et lorsque M. de Fénelon, ambassadeur en Hollande, fit imprimer le Télémaque de son oncle, ces vers furent restitués à leur auteur : on les imprima dans plus de cinquante exemplaires, dont un fut en notre possession. Quelques lecteurs craignirent que ces vers innocents ne donnassent un prétexte aux jansénistes d’accuser l’auteur qui avait écrit contre eux de s’être paré d’une philosophie trop sceptique, et furent cause qu’on retrancha ce madrigal du reste de l’édition du Télémaque. C’est de quoi nous fûmes témoin. Mais les cinquante exemplaires existent ; qu’importe d’ailleurs que l’auteur d’un beau roman ait fait ou non une chanson jolie ?

Faisons ici l’aveu que toutes ces vérités historiques, qui ne peuvent intéresser que quelques curieux dans un petit canton de la terre, ne méritent pas d’être comparées aux vérités mathématiques et physiques qui sont nécessaires au genre humain. Cependant les querelles sur ces bagatelles ont été souvent vives et fatales. Les disputes sur la physique sont moins dangereuses : ce sont des procès dont il y a peu de juges ; mais, en fait d’histoire, le plus borné des hommes peut vous chicaner sur une date, déterrer un auteur inconnu qui a pensé différemment de vous, abuser d’un mot pour vous rendre suspect. Un moine, si vous n’avez pas flatté son ordre, peut calomnier impunément votre religion. Un parlement même était ulcéré, si vous aviez décrit les folies et les fureurs de la Fronde.


ARTICLE X.


De la philosophie de l’histoire.


Lorsque, après avoir conduit notre Essai sur les Mœurs et l’Esprit des nations depuis l’établissement du christianisme jusqu’à nos jours, nous fûmes invité à remonter aux temps fabuleux de tous les peuples, et à lier, s’il était possible, le peu de vérités que nous trouvâmes dans les temps modernes aux chimères de l’antiquité, nous nous gardâmes bien de nous charger d’une tâche à la fois si pesante et si frivole ; mais nous tâchâmes, dans un discours