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SUR L’HISTOIRE GÉNÉRALE.

Que la croyance de l’Église romaine, après le temps de Charlemagne, était différente de celle de l’Église grecque en plusieurs points importants, et l’est encore ;

Que, longtemps après Charlemagne, l’évêque de Rome, toujours élu par le peuple, selon l’usage de toutes les églises, toutes républicaines, demandait la confirmation de son élection à l’exarque ; que le clergé romain était tenu d’écrire à l’exarque suivant cette formule : « Nous vous supplions d’ordonner la consécration de notre père et pasteur » ;

Que le nouvel évêque était par le même formulaire obligé d’écrire à l’évêque de Ravenne, et qu’enfin, par une conséquence indubitable, l’évêque de Rome n’avait encore aucune prétention sur la souveraineté de cette ville ;

Que la messe était très-différente du temps de Charlemagne de ce qu’elle avait été dans la primitive Église[1] : car tout changea suivant les temps, suivant les lieux, et suivant la prudence des pasteurs. Du temps des apôtres on s’assemblait le soir pour manger la cène, le souper du Seigneur (Paul aux Corinth.[2]). On demeurait dans la fraction du pain (Act., chap. ii[3]). Les disciples étaient assemblés pour rompre le pain (Act., chap. xx[4]). L’Église romaine, dans la basse latinité, appelle missa ce que les Grecs appelaient synaxe. On prétend que ce mot missa, messe, venait de ce qu’on renvoyait les catéchumènes, qui, n’étant pas encore baptisés, n’étaient pas encore dignes d’assister à la messe. Les liturgies étaient différentes, et cela ne pouvait alors être autrement : une assemblée de chrétiens en Chaldée ne pouvait avoir les mêmes cérémonies qu’une assemblée en Thrace. Chacun faisait la commémoration du dernier souper de notre Seigneur en sa langue. Ce fut vers la fin du iie siècle que l’usage de célébrer la messe le matin s’établit dans presque toutes les églises.

Le lendemain du sabbat, on célébrait nos saints mystères pour ne se pas rencontrer avec les juifs. On lisait d’abord un chapitre des Évangiles ; une exhortation du célébrant suivait ; tous les fidèles, après l’exhortation, se baisaient sur la bouche en signe d’une fraternité qui venait du cœur ; puis on posait sur une table du pain, du vin, et de l’eau : chacun en prenait, et on portait du pain et du vin aux absents. Dans quelques églises de l’Orient, le prêtre prononçait les mêmes paroles par lesquelles on finissait les anciens mystères : paroles que notre divine religion

  1. Voyez tome XI, page 285.
  2. Ire aux Corinthiens, xi, 20, 33.
  3. Verset 42.
  4. Verset 7.