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SUR L’HISTOIRE GÉNÉRALE.

mondes comme eux, et noyés avec eux dans le lac de Génézareth ; le fils de Dieu enlevé sur le faîte du temple[1] et sur une montagne par l’ennemi de Dieu et des hommes ; Jésus confondant d’un seul mot cet éternel ennemi, qui osait proposer à Dieu même d’adorer le diable ; Jésus transfiguré sur le Thabor[2] pour manifester sa gloire à Moïse et à Élie, qui viennent du sein des morts recevoir ses leçons éternelles ; Jésus, la source de la vie, Jésus, créateur du genre humain, mourant pour le genre humain ; les morts ressuscitant[3] quand il expire, et remplissant les rues de Jérusalem ; le soleil[4] s’éclipsant en plein midi et en pleine lune par toute la terre, à la confusion de tout l’empire romain, assez aveugle pour négliger ce grand événement ; le Saint-Esprit[5] descendant en langues de feu sur les apôtres, etc. Ces vrais miracles sont assez nombreux, assez avérés. Des hommes inspirés les ont écrits ; tout lecteur judicieux les apprécie ; tout bon chrétien les adore.

Mais c’était, nous osons le dire, une impiété et une folie de vouloir soutenir ces prodiges, que Dieu daigna lui-même opérer en Judée, par des fables absurdes que des hommes inconnus ont inventées tant de siècles après.

La personne illustre qui étudia l’histoire avec nous fut très-scandalisée qu’un jésuite, nommé Papebroke, prétendît avoir traduit un manuscrit grec qui contenait le martyre de saint Théodote, cabaretier, et de sept vierges âgées de soixante-douze ans chacune, que le gouverneur de la ville d’Ancyre condamna à livrer leur pucelage aux jeunes gens de la ville. Cette sentence portée contre ces sept vieilles, ou plutôt contre ces jeunes gens, était encore la plus simple et la moins merveilleuse anecdote de toute cette aventure. La légende de ce saint cabaretier, et de son ami le curé Frontin, est assez connue[6].

On arrache la langue à saint Romain, qui était bègue, et aussitôt il parle avec la plus grande volubilité ; et l’auteur, grand physicien, remarque « qu’il est impossible de vivre sans langue » : ce qui rend le miracle plus beau.

Que dire de saint Paulin, qui voyant un possédé se promener la tête en bas, comme une mouche, à la voûte d’une église,

  1. Matthieu, iv, 5, 8 ; Luc, iv, 5, 9.
  2. Matthieu, xvii, 2 ; Marc, ix, 1.
  3. Matthieu, xxvii, 52, 53.
  4. Matthieu, xxvii, 45 ; Marc, xv, 33 ; Luc, xxv, 44.
  5. Actes des apôtres, ii, 3.
  6. Voyez tome XX, page 42 ; XXVI, 267 ; XXVII, 239.