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FRAGMENT

de Néron. Pierre avait gouverné l’Église vingt-cinq ans sous cet empereur, qui n’en régna que treize.

Ce livre d’Abdias, écrit en syriaque, fut traduit en grec par son disciple nommé Eutrope ; et nous l’avons en latin de la traduction de Jules Africain, homme savant du iiie siècle, et presque un Père de l’Église par ses autres écrits.

Quoi qu’il en soit, que saint Pierre eût fait ou non le voyage de Rome, cela était absolument indifférent pour le gouvernement de l’Église. Ce gouvernement fut modelé, du temps de Constantin, sur l’administration politique de l’empire. Les principaux siéges, Rome, Constantinople, Alexandrie, devaient avoir l’autorité principale. Et de même que les rois d’Espagne régnèrent en ce pays, soit que Tubal ou Hercule l’eût peuplé ; de même que la race des Francs posséda les Gaules, soit qu’elle descendît de Francus fils d’Hector, soit qu’elle eût une autre origine : ainsi les papes dominèrent bientôt dans la ville impériale, du consentement même des Romains, sans se mettre en peine si la première église de cette capitale avait été dédiée à saint Jean de Latran, ou à saint Pierre hors des murs. Ainsi les patriarches des grandes villes de Constantinople et d’Alexandrie eurent plus d’honneurs, de richesses et d’autorité, que des évêques de village. Les hommes d’État n’établissent guère leurs droits sur des discussions théologiques : ils vont au solide, et ils laissent leurs écrivains s’épuiser en citations et en arguments.


ARTICLE VI.


Fausses donations, faux martyrs. Faux miracles.


La vérité de l’histoire, bien plus utile qu’on ne pense, nous força d’examiner les fausses légendes aussi attentivement que le voyage de saint Pierre. Nous crûmes que le mensonge ne pouvait que déshonorer la religion. Les miracles de Jésus-Christ et des apôtres sont si vrais qu’on ne doit pas risquer d’affaiblir le profond respect qu’on a pour eux, en leur associant de faux prodiges. Admirons, célébrons, révérons le Lazare ressuscité[1] ; le bienfait des noces de Cana[2] ; les démons chassés du corps des possédés ; ces esprits immondes[3] précipités dans le corps d’animaux im-

  1. Jean, xi, 44.
  2. Jean, ii, 9.
  3. Matthieu, viii, 32 ; Marc, v, 13.