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FRAGMENTS HISTORIQUES

poëme est simple : il célèbre sans enthousiasme les bienfaits de Dieu et les beautés de la nature. Combien d’ouvrages moraux la Chine n’a-t-elle pas de ses premiers empereurs ! Confucius était vice-roi d’une grande province. Avons-nous parmi nous beaucoup d’hommes pareils ?

Quand le gouvernement chinois n’aurait montré d’autre prudence que celle d’adorer un seul Dieu sans superstition, et de contenir toujours les bonzes, aux rêveries desquels il abandonne la populace, il mériterait nos plus sincères respects. Nous ne prétendons point inférer de là que ces nations orientales l’emportent sur nous dans les sciences et dans les arts ; que leurs mathématiciens aient égalé Archimède et Newton ; que leur architecture soit comparable à Saint-Pierre de Rome, à Saint-Paul de Londres, à la façade du Louvre ; que leurs poëmes approchent de Virgile et de Racine ; que leur musique soit aussi savante, aussi harmonieuse que la nôtre. Ces peuples seraient aujourd’hui nos écoliers en tout ; mais ils ont été en tout nos maîtres.

Les monuments les plus irréfragables sur l’unité de Dieu, qui nous restent des deux nations les plus anciennement policées de la terre, n’ont pas empêché nos disputeurs de l’Occident de donner à des gouvernements si sages le nom ridicule d’idolâtres. Ils étaient bien loin de l’être ; et il faut avouer, avec le P. Lecomte, « qu’ils offraient à Dieu un culte pur dans les plus anciens temples de l’univers ».

C’est ainsi que les premiers Persans adorèrent un seul Dieu dont le feu était l’emblème, comme le savant Hyde l’a démontré dans un livre qui méritait d’être mieux digéré[1].

C’est ainsi que les Sabéens reconnurent aussi un Dieu suprême dont le soleil et les étoiles étaient les émanations, comme le prouve le sage et méthodique Sale, le seul bon traducteur de l’Alcoran[2].

Les Égyptiens, malgré la consécration de leurs bœufs, de leurs chats, de leurs singes, de leurs crocodiles et de leurs ognons, malgré leurs fables d’Ishet, d’Oshiret et de Typhon, adorèrent un Dieu suprême, désigné par une sphère posée sur le frontispice de leurs principaux temples. Les mystères d’Égypte, de Thrace, de Grèce, de Rome, eurent toujours pour objet l’adoration d’un seul Dieu.

  1. Historia religionis veterum Persarum eorumque magorum. Oxunii, 1700, in-4o.
  2. La traduction de l’Alcoran, par Sale, est en anglais. Voyez tome XI, page 204 ; XXIV, 142, 556.