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ET SUR LE GÉNÉRAL LALLY.

Ce n’était d’abord qu’un comptoir entouré d’une forte haie d’acacias, de palmiers, de cocotiers, d’aloès ; et on appelait cette place la Haie des Limites.

À trente lieues au nord est Madras, comme nous l’avons vu, ce chef-lieu du grand commerce des Anglais, La ville est bâtie en partie des ruines de Méliapour ; et cet ancien Méliapour avait été changé par les Portugais en Saint-Thomé, en l’honneur de saint Thomas Didyme, apôtre. On trouve encore dans ces quartiers des restes de Syriens, nommés d’abord chrétiens de Thomas parce qu’un Thomas, marchand de Syrie et nestorien, était venu s’y établir avec ses facteurs au vie de notre ère. Bientôt après on ne douta pas que ce nestorien n’eût été saint Thomas Didyme lui-même. On a vu partout des traditions, des croyances publiques, des monuments, des usages, fondés sur de telles équivoques. Les Portugais croyaient que saint Thomas était venu à pied de Jérusalem à la côte de Coromandel, en qualité de charpentier, bâtir un palais magnifique pour le roi Gondafer. Le jésuite Tachard a vu près de Madras l’ouverture que fit saint Thomas au milieu d’une montagne, pour s’échapper par ce trou des mains d’un brachmane qui le poursuivait à grands coups de lance, quoique les brachmanes n’aient jamais donné de coups de lance à personne. Les chrétiens anglais et les chrétiens français se sont détruits, de nos jours, à coups de canon sur ce même terrain que la nature ne semblait pas avoir fait pour eux. Du moins les prétendus chrétiens de saint Thomas étaient des marchands paisibles.

Plus loin est le petit fort de Paliacate, appartenant aux Hollandais. C’est de là qu’ils vont acheter des diamants dans la nababie de Golconde.

À cinquante lieues plus au nord, les Anglais et les Français se disputaient Masulipatan, où se fabriquent les plus belles toiles peintes, et où toutes les nations commerçaient. M. Dupleix obtint du nabab cet établissement entier. On voit que des étrangers ont partagé tout ce rivage, et que les Indiens n’ont rien gardé pour eux sur leur propre territoire.

Quand on a franchi la côte de Coromandel, on est à la hauteur de la grande nababie de Golconde, où sont les plus grands objets de l’avarice, les mines de diamants. Les nababs avaient longtemps empêché les nations étrangères de se faire des établissements fixes dans cette province. Les facteurs anglais et hollandais y venaient d’abord acheter les diamants qu’ils vendaient en Europe.