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EN FAIT DE JUSTICE. 581

tilhomme auquel il donne publiquement un sac d'argent le len- demain, est si dénuée de vraisemblance, si contradictoire, ^i opposée au sens commun, si extravagante, qu'elle ne serait pas souflferte dans le roman le plus ridicule et le plus incroyable. Cela seul peut indigner tout homme impartial qui ne cherche que la vérité,

5° Quand Tofficier général, qui s'est si tristement compromis avec de tels personnages, qui s'est rabaissé jusqu'à s'exposer à recevoir des lettres offensantes d'une courtière et de ce docteur es lois, s'abaisse encore en allant implorer le magistrat de la po- lice contre ses propres billets ; quand les menaces des délégués de ce magistrat forcent le docteur et sa mère à faire l'aveu de leur crime ; quand tous deux, sans être contraints, signent chez un commissaire que l'histoire des treize voyages est fausse ; que jamais le gentilhomme n'a reçu les cent mille écus; qu'on ne lui a prêté que douze cents livres, alors tout semble éclairci. Il n'est pas dans la nature (je le répète ici), qu'une mère et un fds avouent qu'ils sont coupal)les, quand un péril inévitable ne les y force pas.

Je veux que deux délégués de la police aient outrepassé leurs pouvoirs ; qu'un procureur nommé pour examiner l'affaire et en rendre compte se soit érigé mal à propos en juge ; qu'il ait fait prêter serment ; qu'un autre officier de la police ait traité la mère et le fils avec dureté : ils sont en cela très-répréhensibles ; mais leur faute n'a rien de commun avec le crime avoué par la mère et le fils. On s'est écarté de la loi avec eux; mais ils n'ont pas moins fait leur aveu légalement devant un commissaire ; ils ne l'ont pas moins fait librement ; ils pouvaient aisément protester devant ce commissaire contre les vexations illégales de ces deux hommes sans caractère. Plus on avait exercé contre eux de vio- lences, plus ils étaient en droit de demander hautement une justice qu'on ne pouvait leur refuser.

Le fils et la mère disent qu'on les a battus chez le procureur. Je veux que la chose soit vraie : c'est pour cela même qu'ils de- vaient crier à la tyrannie. Quel est l'homme qui signera en jus- tice qu'il est un scélérat, parce qu'on l'a maltraité ailleurs ? Quel homme consentira à perdre librement d'un trait de plume cent mille écus, parce qu'on aura précédemment usé de quelque vio- lence envers lui ? C'est à peine ce qu'il pourrait faire s'il était appliqué à la torture.

Mais qu'une mère et un fils, un docteur es lois, signent ainsi leur condamnation quand ils sont innocents ; qu'ils se dépouillent

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