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A L'OCCASION D'UN PANÉGYRIQUE. 565

ait cité le Code et le Digeste, qui n'étaient nullement connus de son temps en France?

On se fonde sur l'opinion commune qui lui attribua ces lois, plusieurs années après sa mort. Mais n'a-t-on pas imputé au car- dinal de Richelieu ce testament* ridicule qui déshonorerait sa mémoire s'il était de lui, et qu'on a reconnu trop tard pour n'être pas son ouvrage ?

A Dieu ne plaise que saint Louis ait fait un code où l'on or- donnait de brûler vive une pauvre femme qui recelait un petit vol pour lequel le voleur était pendu!

Qu'il ait privé les enfants de la succession mobilière d'un père mort malheureusement sans être confessé, après huit jours de maladie!

Qu'il ait fait arracher les yeux à ceux qui cmldcnt un cheval!

Qu'il ait permis qu'on excommuniât pour dettes!

Qu'il ait condamné à la corde tout gentilhomme qui se serait sauvé de prison !

Qu'on coupât le poing au fabricant qui vendrait du drap trop étroit !

Ce sont là des lois de Dracon, et non des lois de saint Louis. N'outrageons point sa mémoire jusqu'à l'en croire l'auteur.

Défions-nous de tout ce qu'on a écrit dans ces temps d'igno- rance et de barbarie. Comparons un moment ces nuits de ténèbres à nos beaux jours ; comparons la multitude de nos flo- rissantes villes avec ces prisons qu'on appelait fertés, chàtels, roches, basties, bastilles; nos arts perfectionnés à la disette de tous les arts; la politesse à la grossièreté; les scandales sanglants et abominables de Rome à la paix, à la décence, à la politique cir- conspecte, qui rendent aujourd'hui le séjour de Rome délicieux; l'absurde atrocité anglaise au siècle de Newton; la raison humaine perfectionnée à l'instinct humain abruti; nos mœurs douces et polies aux mœurs agrestes et féroces. Saint Louis en sera plus grand pour s'être élevé, dans ses domaines peu étendus, au-dessus de la fange où l'Europe était plongée. Mais nous en serons plus heureux en considérant que nous n'avons été que des barbares dans un si grand noml)re de siècles, et que nous ne le sommes plus.

1. Voyez tome XXIII, page 429; XXV, '211, 3-21.

��FIN' DE QUELQUES PETITES HARDIESSES.

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