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veilleuses de toute la nature. Il avait le pouvoir de penser, et il ne voulait pas qu’il y eût dans la fabrique du monde un pouvoir qui pensât.

Il disait que la nature seule, par ses combinaisons, produit des animaux pensants. Je l’arrête là, et je lui demande quelle preuve il en a. Il me répond que c’est son système, son hypothèse, que cette idée en vaut bien une autre.

Mais moi, je lui dis : Je ne veux point d’hypothèse, je veux des preuves. Quand Posidonius me dit qu’il peut carrer des lunules du cercle, et qu’il ne peut carrer le cercle, je ne le crois qu’après en avoir vu la démonstration.

Je ne sais pas si, dans la suite des temps, il se trouvera quelqu’un d’assez fou pour assurer que la matière, sans penser, produit d’elle-même des milliards d’êtres qui pensent. Je lui soutiendrai que, suivant ce beau système, la matière pourrait produire un Dieu sage, puissant et bon.

Car si la matière seule a produit Archimède et vous, pourquoi ne produirait-elle pas un être qui serait incomparablement au-dessus d’Archimède et de vous par le génie, au-dessus de tous les hommes ensemble par la force et par la puissance, qui disposerait des éléments beaucoup mieux que le potier ne rend un peu d’argile souple à ses volontés ; en un mot, un Dieu ? Je n’y vois aucune difficulté; cette folie suit évidemment de son système.

IV. — Suite de la réfutation de l'athèisme.

D’autres, comme Architas, supputent que l’univers est le produit des nombres. Oh ! que les chances ont de pouvoir ! Un coup de dés doit nécessairement amener rafle de mondes : car le seul mouvement de trois dés dans un cornet vous amènera rafle de six, le point de Vénus, très-aisément dans un quart d’heure. La matière, toujours en mouvement dans toute l’éternité, doit donc amener toutes les combinaisons possibles. Ce monde est une de ces combinaisons : donc elle avait autant de droit à l’existence que toutes les autres ; donc elle devait arriver ; donc il était impossible qu’elle n’arrivât pas, toutes les autres combinaisons ayant été épuisées ; donc à chaque coup de dés il y avait l’unité à parier contre l’infini que cet univers serait formé tel qu’il est. Je laisse Architas jouer un jeu aussi désavantageux, et puisqu’il y a toujours l’infini contre un à parier contre lui, je le fais interdire par le préteur, de peur qu’il ne se ruine. Mais avant de lui ôter la jouissance de son bien, je lui demande comment, à