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A C[GÉRON. 443

faut pas multiplier les êtres sans nécessité : ils conviennent donc tous malgré eux qu'il n'y a qu'un Dieu.

La nature a continué, et m'a dit : Tu me demandes où est ce Dieu : il ne peut être que dans moi, car s'il n'est pas dans la na- ture, où serait-il? Dans les espaces imaginaires? Il ne peut être une substance à part ; il m'anime, il est ma vie. Ta sensation est dans tout ton corps, Dieu est dans tout le mien. A cette voix de la nature, j'ai conclu qu'il m'est impossible de nier l'existence de ce Dieu, et impossible de le connaître.

Ce qui pense en moi, ce que j'appelle mon âme, ne se voit pas : comment pourrais-je voir ce qui est l'âme de l'univers entier ?

II. — Suite des probabilités de Vunitè de dieu.

Platon, Aristote, Cicéron, et moi, nous sommes des animaux, c'est-à-dire nous sommes animés. Il se peut que dans d'autres globes il soit des animaux d'une autre espèce, mille millions de fois plus éclairés et plus puissants que nous; comme il se peut qu'il y ait des montagnes d'or et des rivières de nectar. On appel- lei-a ces animaux des dieux improprement; mais il se peut aussi qu'il n'y en ait pas : nous ne devons donc pas les admettre. La nature peut exister sans eux ; mais ce que nous connaissons de la nature ne pouvait exister sans un dessein, sans un plan; et ce dessein, ce plan ne pouvait être conçu et exécuté sans une intel- ligence puissante: donc je dois reconnaître cette intelligence, ce Dieu, et rejeter tous ces prétendus dieux, babitants des planètes et de l'Olympe ; et tous ces prétendus fils de Dieu, les Baccbus, les Hercule, les Persée, les Romulus, etc., etc. Ce sont des fables milésiennes, des contes de sorciers. Un Dieu se joindre à la na- ture humaine ! J'aimerais autant dire que les éléphants ont fait l'amour à des puces, et en ont eu de la race : cela serait bien moins impertinent.

Tenons-nous-en donc à ce que nous voyons évidemment, que dans le grand tout il est une grande intelligence. Fixons-nous à ce point jusqu'à ce que nous puissions faire encore quelques pas dans ce vaste abîme.

III. — Contre les athées.

Il était bien hardi ceSlraton,qui, accordant l'intelligence aux opérations de son chien de chasse, la niait aux œuvres mer-

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