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AUX PARLEMENTS.


dont Louis XIV a commencé la réforme, doit encore être réformée par Louis XV. On nous fait espérer qu’elle le sera. Attendons ce nouveau bienfait.

Jouissons avec reconnaissance du droit qu’on nous donne de faire rendre la justice dans nos terres aux dépens du roi. Rendons grâces aux six conseils établis, qui préviennent la ruine de six cents familles qu’on traînait auparavant de cent lieues, et même de cent cinquante, au pied d’un tribunal ignorant de leurs coutumes.

À quel point l’esprit de parti n’aveugle-t-il pas les hommes, puisqu’on a osé calomnier cette grâce insigne, et nous inviter à être ingrats !

On nous dit que ces établissements si longtemps désirés, et aujourd’hui si critiqués, coûteront trop d’argent. Ils coûteront dix fois moins que le transport des prisonniers, qui épuisait le domaine.

On sonne le tocsin pour nous alarmer ; on nous répète que nous allons devenir esclaves dès le moment que les juges ne recevront plus d’épices. Tremblez, nous dit-on, les impôts vont pleuvoir, quand le parlement de Paris ne jugera plus les procès de Châlons-sur-Marne.

C’est bien mal connaître le cœur humain. Un régiment placé au poste d’honneur au lieu d’un autre n’en est que plus courageux, n’en fait que mieux son devoir. Qu’on propose un édit bursal, ruineux et injuste, il n’y aura pas un conseiller du nouveau parlement qui n’élève sa voix, et qui ne se jette au pied du trône, entre le roi et la nation.

On a intéressé la bonté et la grandeur d’âme de plusieurs princes du sang à réclamer contre quelques parties d’un édit dont tant de points nous sont favorables. Nous réclamons aussi cette magnanimité qu’ils ont montrée. Nous ne doutons pas que leurs nobles représentations n’aient obtenu le rappel dans leurs terres de tant de respectables exilés ; nous les en remercions, nous les en vénérons davantage. Mais nous sommes sûrs que ces princes ne voudraient pas que le roi défît son propre ouvrage, qu’il cassât le nouveau parlement pour rétablir l’ancien ; qu’il ôtât à six provinces la consolation qu’il vient de leur donner ; qu’il étalât aux yeux de l’Europe étonnée une inconstance qui flétrirait sa gloire et celle de sa maison. Nous osons dire à chacun d’eux : Si vous étiez roi, vous nous feriez le bien que veut nous faire Louis XV.

Enfin on répète que les finances sont dérangées. Est-ce donc