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LES PEUPLES


tribunaux les plus éloignés ; c’est là qu’on règle le sort des juridictions douteuses ; et que, du haut de sa dignité, le premier et universel magistrat, au milieu des juges d’une probité et d’une expérience consommée, veille sur tout l’empire de la justice, et sur la bonne ou mauvaise conduite de ceux qui l’exercent. »

C’est ainsi que parlait l’orateur Fléchier, dans l’Oraison funèbre du chancelier Le Tellier.

Puisque vous citez si souvent les Sermons de Massillon, et jusqu’à la Politique de l’Écriture sainte, ouvrage indigne du grand Bossuet, nous pouvons citer aussi un homme éloquent. Mais si nous citions toujours, rien ne serait jamais prouvé.

Le conseil d’État existe certainement avant vous. Vous avez été établis pour rendre la justice suivant les lois émanées du roi en son conseil d’État, Vous le savez ; voilà l’origine de toute jurisprudence dans notre nation.

Nous ne vous répéterons pas que les enregistrements qui pouvaient se faire au greffe du conseil d’État ne furent admis au greffe du parlement de Paris que par convenance, et d’après l’exemple du greffier Montluc, qui tenait un registre pour son utilité particulière.

Un tel usage n’est pas assurément une loi fondamentale, à moins qu’on ne regarde comme une loi fondamentale l’usage de se marier à Versailles plutôt qu’à Blois, d’être sacré dans la cathédrale de Reims plutôt que dans celle de Paris, et d’être inhumé à Saint-Denis plutôt que Saint-Martin.

Coutume n’est, pas loi. Nous ne faisons ici que vous répéter ce que vous nous avez enseigné.

Un dépôt des lois est nécessaire, sans doute ; mais une querelle qui dure depuis François Ier entre les dépositaires des lois et le conseil du roi, une querelle qui a produit des effets si sanglants, n’était pas nécessaire.

Vous aimez la justice et la patrie. Il y a parmi vous un grand nombre d’hommes éclairés, savants, équitables ; y en a-t-il moins dans le conseil d’État ?

La différence entre ce tribunal suprême et les vôtres, c’est que ce conseil, qui seul est aussi ancien que la monarchie, étant placé auprès du trône, est le centre où aboutissent toutes les affaires du royaume. Il voit tous les ressorts dont vous ne pouvez apercevoir qu’une partie. Les subsistances manquent dans une province ; il sait quelle autre province pourra la soulager ; quelle manufacture est utile dans une ville, et nuisible dans une autre ; quel canton a souffert du désordre des saisons, et quel secours il