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DU GRENIER A SEL. 403

Jjlessure; et c'est cette espèce d'attaque que méditent aujour- d'hui les calomniateurs de la magistrature et des lois. Ils se cachent, sire, sous le voile apparent du Lien public ; ils enivrent vos provinces de funestes espérances, et anéantissent d'autant plus sûrement toutes les propriétés qu'ils affectent de prendre les mesures les plus sages pour les garantir et les défendre. Oui, sire, c'est par rétablissement des conseils supérieurs qu'on marche sourdement à la destruction de la gabelle et du monopole, Nous dénonçons à Votre Majesté ce projet funeste, qui consommera la perte des lois et la destruction de la monarchie. Et déjà, sire, combien de fléaux ne sont pas sortis de cette source empoison- née! Que de lois fondamentales anéanties d'un seul coup! La loi fondamentale de la vénalité des charges, la loi fondamentale des épices et des vacations, la loi fondamentale des commitlimus qui donnent au sonneur de cloches de votre chapelle, et à votre valet de chiens, le droit de ruiner toute une province; enfin, sire, la loi fondamentale qui adjugeait aux avocats et aux procu- reurs la substance de la veuve et de l'orphelin : elles ne sont plus, sire, et c'est du milieu de leurs débris que nous implorons votre justice et votre bonté; arrêtez sur ce spectacle attendris- sant vos regards paternels, et sauvez les restes d'une constitution que les besoins ont formée, et qui a été marquée par huit siècles de malheurs et d'abus ; c'est par elle que nous avons existé, et nous cesserons d'exister avec elle.

On vous a persuadé, sire, on a tenté de le persuader à vos peuples, que la vénalité avilissait les offices de magistrature. Ce fut autrefois l'erreur de toute la nation, et vos cours la parta- gèrent. Vos officiers, encore simples et barbares, se révoltèrent à l'idée seule d'acheter le droit de rendre la justice; mais bientôt ils reconnurent que la vénalité était le pallatlium de l'État, et le véritable sceau de la propriété. En effet, sire, sans cette loi sacrée, comment aurions-nous pu vendre la justice et la laisser vendre aux autres? Jamais le fils d'un laquais, devenu financier, aurait- il pu avoir en proi)riété le droit de juger ses anciens maîtres? Ce droit, Votre Majesté n'aurait- elle pas pu nous l'enlever, si elle n'avait pas reçu notre argent en échange ? Depuis cette heureuse loi, la justice est véritablement notre patrimoine, et un patri- moine fécond qui fait la gloire et la fortune du propriétaire. En vain voudriez-vous, sire, en réclamer une portion; elle nous ap- partient tout entière, et vous êtes dans l'heureuse impuissance de la changer et de la modifier. Tous constitués, en vertu de nos finances, ministres essentiaux des lois et surveillants de l'admi-

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