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DE L’EMPEREUR JULIEN.

ait favorisé l’un beaucoup plus que l’autre. Mais quand même Dieu en aurait favorisé un, et lui aurait attribué le gouvernement de l’univers, il faudrait croire que c’est à un de ceux qu’il nous a donnés, à qui il a accordé cet avantage. N’est-il pas plus naturel d’adorer à la place du Dieu suprême celui qu’il aurait chargé de la domination de tout l’univers, que celui auquel il n’aurait confié le soin que d’une très-petite partie de ce même univers ?

Les Juifs vantent beaucoup les lois de leur Décalogue[1]. « Tu ne voleras point. Tu ne tueras pas. Tu ne rendras pas de faux témoignage. » Ne voilà-t-il pas des lois bien admirables, et auxquelles il a fallu beaucoup penser pour les établir ! Plaçons ici les autres préceptes du Décalogue, que Moïse assure avoir été dictés par Dieu même. « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai retiré de la terre d’Égypte. Tu n’auras point d’autre Dieu que moi. Tu ne te feras pas des simulacres. » En voici la raison. « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui punis les péchés des pères sur les enfants : car je suis un Dieu jaloux. Tu ne prendras pas mon nom en vain. Souviens-toi du jour du sabbat. Honore ton père et ta mère. Ne commets pas d’adultère. Ne tue point. Ne rends pas de faux témoignage, et ne désire pas le bien de ton prochain. » Quelle est la nation qui connaisse les dieux, et qui ne suive pas tous ces préceptes, si l’on en excepte ces deux : « Souviens-toi du sabbat,

  1. Deutéronome, chap. v. Julien a très-grande raison sur le Décalogue. Il n’y a point de peuple policé qui n’ait eu des lois semblables et beaucoup plus détaillées. Les lois données par le premier Zoroastre, confirmées par le second, et rédigées dans le Sadder, sont d’une morale cent fois plus utile et plus sublime. En voici les principaux articles :

    Évitez les moindres péchés.
    Connaissez-vous vous-même.
    Ne désespérez point de la miséricorde divine.
    Cherchez toutes les occasions de faire le bien.
    Abhorrez la pédérastie.
    Récitez des prières avant de manger votre pain, et partagez-le avec les pauvres.
    Ne négligez pas l’expiation du baptême.
    Priez Dieu en vous couchant.
    Gardez vos promesses.
    Quand vous doutez si une chose est juste, abstenez-vous-en.
    Donnez du pain à vos chiens puisqu’ils vous servent.
    N’offensez jamais votre père qui vous a élevé, ni votre mère qui vous a porté neuf mois dans son sein.
    (Ce précepte est bien éloigné de la prétendue permission de commettre un inceste avec sa mère.)

    Nous ne pousserons pas plus loin cette comparaison des lois persanes avec les hébraïques. Nous dirons seulement que les lois de Zaleucus sont bien supérieures, et la morale de Marc-Aurèle et d’Épictète supérieure encore à celle de Zaleucus. (Note de Voltaire.)