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378 COUTUME

s'est souvent réformée sur bien des points : Locke voulut que les lois, toutes justes qu'elles étaient, perdissent leur autorité après un siècle. Pourquoi hésiterait-on de réformer les absurdités des Gotlis ou des Vandales? Il fallait donc craindre de renverser leurs huttes pour bâtir en leur place des maisons commodes. La législation est l'art du bonheur et de la sûreté des peuples : des lois qui s'y opposent sont en contradiction avec leur objet ; elles doivent donc être abandonnées. Les coutumes n'ont force de loi que par l'autorité du souverain ; il peut à chaque instant la reti- rer, et la coutume tombe.

Si les seigneurs de mainmorte disaient : La liberté serait per- nicieuse à des hommes qui ne peuvent prospérer que par leur réunion, et par l'adhésion perpétuelle à leur sol ; on leur répon- drait : Vos souverains, il y a deux siècles, ont pensé différem- ment : avec la liberté, ils firent présent de l'industrie et de la prospérité aux sujets de leurs domaines. La France entière, dont le nom, l'aspect, l'industrie et le bonheur, excitent la jalousie des nations, ne jouit de ces avantages que depuis les jours de sa liberté. La Lorraine, soulagée par le duc Léopold des restes de l'esclavage, est devenue, de cette époque, le champ des arts et de l'activité.

L'esclavage est bon aux animaux que l'on engraisse ; mais on sait que ce ne sont pas leurs sujets que les seigneurs moines en- graissent.

Si d'autres seigneurs disaient : Ces droits de mainmorte réelle, de personne et de suite, sont notre patrimoine, ils sont notre fief: ce serait détruire ce fief que d'en abroger les droits, et nous priver de la propriété de ce fief ; on pourrait leur répondre qu'un fief n'est pas une propriété, qu'il faut le posséder comme le sou- verain le donne. Mais n'entamons point de discussions sur cet objet, et disons à l'homme au fief qu'il l'a eu à charge de ser- vice militaire, qu'aujourd'hui il est déchargé de ce service, qu'ainsi il n'a pas besoin d'avoir des hommes pour les mener à la guerre; que le paysan, au contraire, paye l'homme au fief pour aller faire la guerre, qu'il est payé deux fois : la première par le fief, et la seconde par le prêt auquel le paysan contribue ; qu'en conséquence il n'a que faire d'esclaves pour le souverain, lorsque l'État le paye et ne lui demande point d'hommes.

Au surplus, les lois et la jurisprudence sur la mainmorte,' nées en même temps que les lois sur la magie, les sortilèges, les possessions du diable et le cuissage, doivent finir comme elles.

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