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ADDITION DU TRADUCTEUR.

second, de saphir ; le troisième, de calcédoine, c’est-à-dire d’agate ; le quatrième, d’émeraude. »

Le purgatoire, surtout, a été pris visiblement dans le Phédon ; les paroles de Platon sont remarquables : « Ceux qui ne sont ni entièrement criminels, ni absolument innocents, sont portés vers l’Achéron : c’est là qu’ils souffrent des peines proportionnées à leurs fautes, jusqu’à ce qu’ayant été purgés de leurs péchés ils reçoivent parmi les bienheureux la récompense de leurs bonnes actions. »

La doctrine de la résurrection est encore toute platonicienne, puisque, dans le dixième livre de la République, le philosophe grec introduit Hérès ressuscité, et racontant ce qui s’est passé dans l’autre monde.

Il importe peu que Platon ait puisé ses opinions, ou, si l’on veut, ses fables chez d’anciens philosophes égyptiens, ou chez Timée de Locres, ou dans son propre fonds. Ce qui est très-important à considérer, c’est qu’elles étaient consolantes pour la nature humaine, et c’est ce qui a fait dire à Cicéron qu’il aimerait mieux se tromper avec Platon que d’avoir raison avec Épicure. Il est certain que le mal moral et le mal physique se sont mis en possession de notre courte vie, et qu’il serait doux d’espérer une vie éternelle dont nul mal n’oserait approcher. Mais pourquoi commencer par le mal pour arriver au bien ? Pourquoi cette vie éternelle et heureuse ne nous a-t-elle pas été donnée d’abord ? Ne serait-il pas ridicule et barbare de bâtir pour ses enfants un palais magnifique et rempli de toutes les délices imaginables, mais dont le vestibule serait un cachot habité par des crapauds et par des serpents, et d’emprisonner ses enfants dans ce cachot horrible pendant soixante et dix et quatre-vingts ans, pour leur faire mieux goûter ensuite toutes les voluptés dont le palais abonde, voluptés qu’ils ne sentiront que quand les serpents du vestibule auront dévoré leurs peaux et leurs os ?

Quoi qu’il en soit, il est indubitable que toute cette doctrine était répandue dans la Grèce entière avant que le peuple juif en eût la moindre connaissance. La loi juive, que les Juifs prétendaient leur avoir été donnée par Dieu même, ne parla jamais ni de l’immortalité de l’âme, ni des peines et des récompenses après la mort, ni de la résurrection du corps. C’est le comble du ridicule de dire que ces idées étaient sous-entendues dans le Pentateuque. Si elles sont divines, elles ne devaient pas être sous-entendues, elles devaient être clairement expliquées. Elles n’ont commencé à luire pour quelques Hébreux que longtemps après