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MŒURS DES JUIFS SOUS HÉRODE.

de notre Charles Ier ; et c’est ce qui fait bien voir qu’il faut toujours repaître de spectacles l’oisiveté du peuple.

Les pharisiens et les saducéens troublèrent l’État autant qu’ils le purent, comme parmi nous les épiscopaux et les presbytériens, Jean-Baptiste se donna pour prophète ; il administrait l’ancien baptême juif, et se faisait suivre par la populace[1]. L’historien Josèphe dit expressément que c’était un homme de bien qui exhortait le peuple à la vertu[2] ; mais qu’Hérode, craignant une sédition parce que le peuple s’attroupait autour de Jean, le fit enfermer dans la forteresse de Machera, comme on dit qu’on fait enfermer en France les jansénistes.

Observons surtout ici que Josèphe[3] ne dit point qu’on ait fait ensuite mourir Jean sous le gouvernement d’Hérode le tétrarque. Personne ne devait être mieux instruit de ce fait que Josèphe, auteur contemporain, auteur accrédité, de la race des Asmonéens, et revêtu d’emplois publics.

On disputa du temps d’Hérode sur le messie, sur le Christ. C’était un libérateur que les Juifs attendaient dans toutes leurs afflictions, surtout sous les rois de Syrie. Ils avaient donné ce nom à Judas Machabée, ils l’avaient donné même à Cyrus, et à quelques autres princes étrangers. Plusieurs prirent Hérode pour un messie ; il y eut une secte formelle d’hérodiens. D’autres, qui regardaient son gouvernement comme tyrannique, l’appelaient anti-messie, anti-Christ.

Quelque temps après sa mort il y eut un énergumène, nommé Theudas, qui se fit passer pour messie[4]. Josèphe dit qu’il se fit suivre par une grande multitude de canaille, qu’il lui promit de faire remonter le Jourdain vers sa source, comme Josué, et que tous ceux qui voudraient le suivre le passeraient à pied sec avec lui. Il en fut quitte pour avoir le cou coupé.

Toute la nation juive était enthousiaste. Les dévots couraient de tous côtés pour faire des prosélytes, pour les baptiser, pour les circoncire. Il y avait deux sortes de baptême, celui de prosélyte et celui de justice. Ceux qui se convertissaient au judaïsme et vivaient parmi les Juifs sans prétendre être du corps de la nation

  1. Antiquités judaïques, l. XVIII, ch. v. (Note de Voltaire.)
  2. Supposé que ce passage ne soit pas interpolé. (Id.)
  3. Josèphe au contraire le dit formellement ; mais ses expressions relatives à ce meurtre ont été omises dans la traduction française faite par Arnauld d’Andilly : ce qui prouve, comme l’a remarqué M. A.-A. Renouard, que Voltaire n’a pas consulté le texte de Josèphe, mais seulement la traduction française.
  4. Antiquités judaïques, liv. XX, ch. v. (Note de Voltaire.)